Michel Héroux, janvier 2017
Lors d’une récente réunion du conseil d’administration du Bulletin, il a été question de la création d’une chronique pour les aînés. Spontanément, plusieurs yeux de trentenaires se sont tournés vers ce qui ressemblait le plus, autour de la table, à un aîné; c’est à dire moi. C’était une autre occasion de me rendre compte que j’avais encore du mal à porter ce vocable.
À la recherche d’un nouveau sujet pour la chronique, j’ai posé la question à une amie : « Quand devient-on un aîné? » À la retraite? À l’âge de retirer des prestations de la Régie des rentes ou de toucher la pension de vieillesse du Fédéral? Quand le corps est pas mal plus raide, le matin, en se levant du lit? Lorsqu’on s’étonne de découvrir en soi un surcroît de sagesse? Bref, mon amie et moi avons bien déconné.
La catégorisation de l’âge a des connotations culturelles évidentes qui changent au fil des décennies. Ainsi, il y a de plus en plus de programmes qui s’adressent aux jeunes dits de 35 ans et moins. À l’autre bout, on peut avoir sa carte de membre actif de la Fédération de l’Âge d’Or du Québec (FADOQ) ou de l’Association québécoise de défense des personnes retraitées et préretraitées (AQDR) dès 50 ans. Serait-ce donc que la période entre la jeunesse et l’aînesse, qualifions-la ici de maturité, ne dure que quinze ans?
Je me rappelle la première fois où je me suis vu un aîné dans les yeux d’un autre. Après avoir franchi la guérite à l’île Saint-Quentin, j’ai regardé le coupon que m’avait laissé le caissier. J’avais une réduction; l’employé m’avait accordé le tarif aîné des 55 ans et plus. Je fulminais d’incompréhension. Après tout, j’avais 52 ans, une taille de guêpe, une chevelure respectable et plus noire que grise, l’air sportif avec mon t-shirt, mon short et ma casquette rouges, mon vélo hybride. Devais-je retourner sur mes pas et avoir une explication avec le caissier?
Les années ont passé… L’été dernier, j’ai reçu des documents de la régie des Rentes du Québec comportant un slogan des plus joviaux, soit « Cap sur votre retraite ». En étais-je déjà rendu là? Il me semblait que je venais à peine de revenir à Trois-Rivières après une bourlingue de dix ans à Sherbrooke et ailleurs. J’ai compté… Je suis revenu, il y a près de trente ans.
Tout bien considéré, quand je pense aux proches partis si jeunes, trop jeunes, vers l’Autre-Pays, je ne suis pas mécontent d’avoir eu la chance de devenir un aîné.
*Une collaboration du Bulletin communautaire des premiers quartiers et de la Démarche des premiers quartiers de Trois-Rivières.