Alain DumasEn pleine crise sanitaire, la valeur des actions au niveau mondial a atteint 93 700 milliards de dollars américains en 2020, soit une hausse de 20 % par rapport à 2019. Cette valeur boursière mondiale a surpassé la valeur de la production mondiale; elle atteint 134 % du PIB mondial. Aux États-Unis, qui représentent la moitié de la valeur boursière mondiale, cet indicateur atteint 194 %. Avec une autre hausse de 20 % en 2021, la bourse a donc atteint un sommet historique.

Un tel sommet a de quoi inquiéter, car lorsque la valeur boursière dépasse le PIB, cela montre l’existence d’une bulle spéculative. Et puisque toute bulle finit par éclater, il y a donc un risque de krach boursier. C’est ce que nous enseigne l’histoire récente de la bourse. Comme le montre la figure ci-contre, les krachs boursiers de l’an 2000 et de 2008 ont été précédés par un dépassement de la valeur boursière par rapport au du PIB.

« Toutes les crises financières sont le résultat d’une bulle d’endettement, qui finit par éclater avec fracas. » Jacques de Larosière, Directeur général du FMI (1978-1987)

Source: Banque mondiale, https://data.worldbank.org/indicator/CM.MKT.LCAP.GD.ZS (page consultée le 16 février 2022)

La formation d’une bulle spéculative

La bulle actuelle est alimentée en grande partie par les injections massives de monnaie par les banques centrales depuis le début de la pandémie. Très simplement, les banques centrales ont acheté des milliers de milliards de dollars de bons du Trésor et d’obligations, ce qui a grossi les liquidités disponibles sur les marchés financiers et abaissé l’emprunt à un coût presque nul.

Si ces injections monétaires visaient à éviter une longue récession, elles ont aussi eu pour effet de stimuler l’achat d’actions à crédit. Ce phénomène, qu’on appelle l’effet de levier, consiste à multiplier la valeur des placements au-delà des fonds dont dispose un financier, dans le but d’accroître les gains potentiels. En usant de cette stratégie, la spéculation à court terme monte en intensité. Car, plus les spéculateurs empruntent pour acheter des actions, plus le prix des actions augmente, incitant d’autres spéculateurs à profiter des hausses boursières en empruntant davantage, et ainsi de suite. Dès lors, la hausse nourrit la hausse, car les spéculateurs achètent pour ne pas rater la hausse. Ils s’enferment donc dans une logique moutonnière, appelée mimétisme, dont la règle de conduite est la suivante : « mieux vaut avoir tort avec les autres que raison seul ».

« Dans l’incertitude du monde réel, très peu de spéculateurs échangent sur la base de nouvelles informations.  Au contraire, ils échangent en fonction de ce qu’ils pensent que les autres feront, en moyenne, en réaction aux nouvelles informations. » John Maynard Keynes (1936)

Si les spéculateurs accompagnent la hausse boursière, ils font de même lorsqu’un mouvement à la baisse est initié. Les ventes sont d’autant plus massives et rapides que chacun tente de minimiser ses pertes ou de sauvegarder ses gains. La chute est souvent accentuée par les appels de marge de crédit qui forcent les spéculateurs à vendre des actions lorsque la valeur nette de leur compte de crédit devient négative.

C’est pour cette raison que les spéculateurs craignent un resserrement des conditions monétaires des banques centrales. Dopés par des milliers de milliards de dollars de liquidités presque gratuites depuis le début de la pandémie, ils ne l’entendent pas de la même manière que les banques centrales lorsque celles-ci annoncent leur intention de remonter les taux d’intérêt. On le constate depuis le début de l’année. Les bourses vacillent à la moindre nouvelle qui pousserait les banques centrales à rehausser les taux d’intérêt, alors ces hausses ne feraient que rapprocher le taux d’intérêt de son niveau d’avant la pandémie.

Cette réaction n’est pas nouvelle. Car après avoir sauvé le système financier lors de la grande crise de 2008-2009, les banques centrales n’avaient pas réussi à ramener les montants injectés et les taux d’intérêt à une certaine normalité, et ce, après plusieurs tentatives dans les années 2015-2019.

La financiarisation de l’économie

En parallèle à cette spéculation effrénée, les entreprises cotées en bourse subissent d’énormes pressions des spéculateurs pour augmenter leurs profits à court terme et la valeur des actions. Un rapport de l’OCDE[1] révèle que l’endettement facile des dix dernières années a eu comme conséquence de doubler la dette des entreprises, cependant que cet endettement a servi principalement au rachat de leur propres actions pour en mousser la valeur et au versement de dividendes aux actionnaires, plutôt qu’à l’amélioration des équipements et de la rémunération des employés. Cet accaparement d’une plus grande part de la richesse par les financiers explique la hausse des inégalités depuis trente ans.

Ces réactions excessives des financiers montrent donc à quel point leur pouvoir s’est accru sur l’économie réelle, les gouvernements et les banques centrales, phénomène qualifié de financiarisation de l’économie.

[1] OCDE, Corporate Bond Markets in a Time of Unconventional Monetary Policy, 18 février 2020.

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