Jean-Claude Landry – décembre 2019, Propos recueillis par Vicky Moar Niquay, organisatrice communautaire au Centre d’amitié autochtone de Trois-Rivières
Vivre Noël hors de sa communauté d’appartenance, voilà la réalité de la fête pour bien des personnes autochtones qui, par choix ou par obligation, habitent la ville. Quand on connaît l’importance de l’appartenance à la communauté chez nos concitoyens des Premières Nations, on peut imaginer combien la période des fêtes peut constituer un moment de désarroi quand on est loin des siens.
Gabrielle et Joseph-Élie en savent quelque chose. Innue âgée de 26 ans, Gabrielle est originaire de la communauté de Pessamit sur la Côte-Nord. Joseph-Élie, Atikamekw, vient de Wemotaci. Tous deux à l’emploi du Centre d’amitié autochtone de Trois-Rivières, ils travaillent auprès des personnes autochtones résidant à Trois-Rivières pour, disent-ils, permettre « à nos frères et sœurs autochtones d’apprivoiser la ville, leur offrir un ancrage culturel en les accueillant dans un milieu de vie chaleureux, les soutenir dans leurs démarches et les encourager à développer progressivement leur autonomie en milieu urbain ».
S’étonnera-t-on du fait que Gabrielle et Joseph-Élie œuvrent auprès de personnes et de familles dont un grand nombre vivent dans des conditions difficiles ? « Problèmes de santé physique ou mentale, habitudes de vie qui peuvent parfois être nuisibles à la santé et, trop souvent, un quotidien vécu dans un contexte de pauvreté, voilà dans quelles conditions vivent une grande partie de nos gens. Et, à Noël, certains d’entre eux, surtout d’entre elles, pourrait-on dire, n’ont pas le choix de demeurer en ville en raison d’obligations qui ne leur permettent pas de revoir leurs familles qui vivent loin de Trois-Rivières. La fête se traduit alors en période de grande tristesse. »
Comme cette femme autochtone d’origine abénaquise, appelons-la Anaïs, qui a grandi en ville, hors réserve, et qui n’a pas fêté Noël pendant quelques années « en solidarité avec mon fils qui était détenu et qui ne pouvait pas le fêter », dit-elle. Noël évoque quand même de beaux souvenir pour Anaïs : la naissance de son fils un 23 décembre et les fêtes en famille avec les oncles, les tantes, les cousins et cousines. Mais c’était avant. « Même s’il reste encore une parcelle de magie, Noël, déplore-t-elle, est devenu une fête superficielle qu’on ne fête plus comme avant, parce que maintenant les familles sont dispersées. »
Reste qu’en dépit de la course aux achats entourant Noël, la magie de la fête semble résister à l’usure du temps et de la consommation. Une petite étincelle suffit pour que renaisse cette magie et que l’envie de donner un sens à la fête se manifeste.
Anaïs, qui vit seule, aura « le goût de faire du bien aux gens démunis, seuls, autour de moi en leur préparant un souper de Noël. Un repas de Noël ensemble est bien apprécié, surtout quand on vit la faim ». Gabrielle, Joseph-Élie et l’équipe du Centre d’amitié autochtone profiteront, pour leur part, de la période d’avant Noël pour organiser, à l’intention de ceux et celles qui fréquentent le Centre, un makocan, ce repas traditionnel autochtone qu’on célèbre dans une ambiance familiale chaleureuse et festive.
Des initiatives bienvenues pour apaiser le désarroi de celles et ceux qui, parce que loin des leurs, vivent la fête difficilement.