Dans le but de mater l’inflation, la Banque du Canada, à l’instar de toutes les banques centrales du monde, a relevé son taux directeur à plusieurs reprises depuis mars 2022, de 0,25 % à 5 % en juillet dernier, soit le plus haut niveau depuis 2001. Bien que le taux d’inflation ait diminué de 8,1 % en juin 2022 à 3,3 % en juillet dernier, il est encore au-dessus de la cible de 2 % de la Banque du Canada, de sorte que les taux d’intérêt pourraient rester élevés encore longtemps. Ainsi, l’économie réelle pourrait ralentir davantage, cependant que le système financier mondial montre des signes de fragilité. Risque-t-on une crise financière mondiale ? 

 

Précarisation financière des emprunteurs 

Les hausses de taux d’intérêt ont eu pour effet de réduire la marge de manœuvre financière de bon nombre de personnes. Premièrement parce que ces ménages avaient emprunté de gros montants pour acheter des maisons dont les prix explosaient en 2020-2022, ce qui les a contraints d’allonger la période de remboursement pour réduire les paiements mensuels, et de choisir un taux d’emprunt variable, étant donné les très bas taux entre 2020 et 2022. Mais depuis les hausses des taux, le tiers des emprunteurs ont déjà subi une hausse de 50 % de leurs versements mensuels et d’ici 2026, tous les emprunteurs auront subi une hausse médiane de 20 % de leurs remboursements.

Puisque la hausse des taux d’intérêt a refroidi le marché immobilier, ceci a aussi eu pour effet de faire baisser la valeur des maisons, et donc d’accroître le poids de la dette des emprunteurs, et ainsi réduire leur marge de manœuvre financière. C’est ce que montre l’augmentation continue des personnes qui ont des retards de remboursement de 60 jours et plus, de même que le nombre d’emprunteurs qui utilisent leurs cartes de crédit pour financer leur dette. Advenant une récession et des pertes d’emplois plus nombreuses, bon nombre de personnes devront vendre leurs maisons, attisant par le fait même les germes d’une crise immobilière.

Un système financier fragilisé

Selon le FMI, l’endettement à risque des particuliers s’avère la pointe de l’iceberg de l’endettement privé dans le monde. La plus grande menace proviendrait de l’endettement commercial, dans un contexte de télétravail à domicile qui contracte la demande d’espaces de bureaux. Et puisque ce sont les plus petites banques qui possèdent les trois quarts des prêts bancaires dans l’immobilier commercial aux États-Unis, une vague de faillites dans ce secteur aurait des conséquences négatives sur leur rentabilité et sur leur capacité à accorder des prêts. 

En parallèle, la hausse des taux d’intérêt fait diminuer la valeur des obligations qui financent la dette des gouvernements, ce qui entraine des pertes de plusieurs milliards de dollars des banques qui en détiennent la majeure partie. C’est pourquoi les banques ont été affaiblies et certaines acculées à la faillite, en l’occurrence trois importantes banques américaines (Silicon Valley Bank, Signature Bank, First Republic Bank) et le géant bancaire Crédit Suisse.

Si le déclencheur de ces faillites a été la hausse rapide des taux d’intérêt, le recours accru à l’effet de levier et les interconnexions peu connues entre les banques et les groupes financiers, tels les fonds monétaires, les fonds spéculatifs (appelés hedge funds) et les compagnies d’assurance, sont des facteurs qui pourraient fragiliser davantage le système financier mondial. 

Des financiers à risque

En effet, les crises financières sont souvent la conséquence d’une prise de risque excessive des financiers qui recourent à l’effet de levier, c’est-à-dire qui empruntent des montants supérieurs à leurs fonds propres dans le but d’augmenter leurs profits. Toutefois, cette technique peut entraîner la faillite lorsque la valeur des placements devient inférieure aux montants empruntés. Ces faillites déstabilisent alors les banques qui leur ont accordé des prêts, allant jusqu’à provoquer une crise financière comme ce fut le cas en 2007-2009. 

Considérant que les groupes financiers autres que les banques ont connu une forte croissance depuis quinze ans, de sorte qu’ils représentent la moitié des actifs financiers mondiaux, ils représentent aujourd’hui des acteurs importants de la stabilité financière mondiale. Parmi ces groupes, on compte 10 000 fonds spéculatifs dont les actifs frôlent les 1 500 milliards de dollars, lesquels utilisent des effets de levier très importants, en moyenne 9, ce qui signifie que la valeur de leurs placements est 9 fois plus grande que leurs fonds propres. Phénomène semblable du côté des compagnies d’assurance-vie qui ont doublé leurs placements non liquides comme l’immobilier depuis dix ans, en recourant davantage à l’effet de levier. 

Ce portrait n’est pas étranger au fait que ces mêmes financiers éprouvent davantage de problèmes de liquidité, et plus particulièrement depuis les deux dernières années, de sorte qu’ils constituent une source potentielle de crise systémique. Car lorsque ces groupes ont des besoins urgents de liquidité, ils n’ont d’autre choix que de vendre en catastrophe une partie de leurs placements, étant donné qu’ils n’ont pas accès aux prêts de dernier recours des banques centrales. Une pareille vente de feu provoquerait une panique chez les épargnants qui sortiraient de ces marchés par peur de perdre davantage, déclenchant ainsi une crise financière.

Les conséquences seraient alors dramatiques pour l’économie réelle mondiale, avec des pertes d’emplois massives. Ce qui pourrait forcer encore une fois les gouvernements et les banques centrales à injecter des dizaines de milliards de fonds publics, et donc éponger les dettes privées des spéculateurs en augmentant le poids de la dette publique pour la société. Au lieu de cela, ne devrait-on pas prendre le contrôle du système financier afin de le mettre au service du bien commun ?

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