René Hardy, novembre 2014

Les Trifluviens d’aujourd’hui ne savent probablement pas que cet édifice de la rue Royale, derrière la cathédrale, qui porte gravé sur le haut de sa façade le sigle intriguant « C.O.C. t.-r. 1913 » fut déjà nommé la « Maison de l’ouvrier » et a été le berceau du premier syndicat catholique à Trois-Rivières, ancêtre de la CSN.

photo chronique historique

Source: Archives du Séminaire de T.-R.

Son histoire nous reporte à une autre époque. L’Église se comporte comme un État dans l’État. Aucun domaine d’activité ne lui échappe, pas plus bien sûr que la direction des associations de travailleurs.

Dans ce domaine, jusqu’au début du 20e siècle, l’Église se limite à condamner les syndicats parce qu’ils font craindre le socialisme et le renversement de l’ordre social. Mais confrontée à la montée en force du capitalisme industriel qui disloque le système de production artisanale et prolétarise les travailleurs, elle doit adopter une attitude plus positive. Le Vatican propose la création de corporations de métiers qui uniraient patrons et ouvriers dans une même association pour favoriser plus de compréhension et de justice dans les relations de travail.

Ces directives de Rome arrivent au Québec dans le climat social tendu du début du 20e siècle. Dans la seule année 1903, Montréal subit 23 grèves qui paralysent la production. En Mauricie, l’industrialisation rapide fait craindre au clergé les mêmes effets. Le syndicalisme international, religieusement neutre, s’implante chez Tebbutt Shoe et dans les usines naissantes de la Wayagamac et de la Wabasso. C’est alors que Mgr Cloutier décide d’engager la lutte et fonde la Corporation ouvrière catholique de Trois-Rivières, en 1913.

Un mois après sa fondation, la corporation rassemble déjà 400 ouvriers et une cinquantaine de patrons, mais ceux-ci se désistent graduellement de sorte qu’il n’y aura jamais de véritable corporation. En fait le patronat, sauf exception, et contrairement au souhait de l’épiscopat, se montre hostile au syndicalisme qu’il soit catholique ou non.

Pour renforcer l’identité de la COC, l’évêque lui donne un symbole fort en cédant un terrain derrière la cathédrale pour construire la « Maison de l’ouvrier ». L’édifice abrite un bureau de placement et des locaux pour les syndicats affiliés. On y donne aussi des formations dans divers métiers. Mais après quelques années d’enthousiasme, la COC n’attire plus et réussit difficilement à maintenir ses effectifs face à la concurrence du syndicalisme international qui, lui, ne se prive pas d’utiliser la grève. Peu efficace, la COC décline et ne compte que 500 membres lors de son affiliation à la Confédération des travailleurs catholiques du Canada (CTCC) en 1923.

La création de la CTCC, en 1921, résulte du constat que pour rivaliser avec le gigantisme des entreprises industrielles, les organisations ouvrières doivent se fédérer et compter sur la solidarité internationale des travailleurs. À sa fondation, la CTCC regroupe plus de 100 syndicats catholiques représentant alors le quart des effectifs syndicaux du Québec.

Dès ses premières années d’existence, la CTCC reconnaît que la bonne entente proposée par la doctrine sociale de l’Église ne sert que la défense de l’ordre établi. Elle radicalise ses positions et recourt à la grève pour établir un rapport de force. Cette transgression de la doctrine catholique annonce la perte graduelle d’influence de l’Église au sein de l’organisation syndicale et la déconfessionnalisation de 1960 dans le cadre de la formation de la Confédération des syndicats nationaux (CSN).

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