Alain Dumas – Économiste À tous les 7 ans en moyenne, notre monde est frappé par une crise économique. La plupart du temps, l’origine de ces crises se trouve dans les excès du capitalisme, basé sur un modèle de financiarisation de l’économie. Dans ce modèle, qualifié d’économie néolibérale, les entreprises sont soumises au dictat des marchés financiers, qui exigent une part toujours plus grande des profits, soit en versant plus de dividendes aux actionnaires et en rachetant leurs propres actions en bourse afin de mousser leur valeur. Ce modèle pousse donc les entreprises à serrer la vis toujours plus fortement afin de répondre aux pressions des marchés financiers. Au final, des centaines de millions de personnes voient leurs conditions de travail et salariales se dégrader, provoquant l’élargissement des écarts de revenu et de richesse qu’on observe depuis une vingtaine d’années. Que faire pour changer cette trajectoire de l’économie ? En effet, le constat est accablant : la concentration de la richesse est revenue aux sommets atteints au début du XXième siècle. Qui dit concentration de la richesse, dit concentration du pouvoir économique et, en conséquence, un déficit démocratique accru. Une telle évolution n’est pas étrangère au détournement du sens de l’économie. Si à l’origine, l’économie (du grec «oikos nomos») était un moyen qui consistait à utiliser au mieux les ressources de la terre pour mieux répondre aux besoins de tous, l’économie est devenue une fin en soi, basée sur la maximisation du profit et de la consommation. Une telle vision a des conséquences néfastes non seulement sur le plan social mais aussi écologique.

Une plus grande place doit être accordée aux entreprises d’économie sociale et aux initiatives locales fondées sur la démocratie directe
Est-il possible de développer l’économie autrement ? Devant un tel constat, il va sans dire que l’autre économie se doit d’être plus sociale et plus écologiste. Pour ce faire, l’État doit mieux réguler l’économie et accroître la redistribution des revenus. Par ailleurs, une plus grande place doit être accordée aux initiatives locales fondées sur la démocratie directe. Par exemple en Allemagne, la moitié des membres du conseil d’administration des entreprises sont des travailleurs salariés. Dans les pays scandinaves et au Danemark, on privilégie la généralisation des syndicats comme contre-pouvoir au sein des entreprises. Enfin, les entreprises d’économie sociale, telles les coopératives et les organismes à but non lucratif (OBNL), s’inscrivent dans cette perspective, car leurs membres exercent un contrôle démocratique sur l’activité de l’entreprise. La notion de profit individuel a cédé la place à l’enrichissement des membres et des communautés desservis, en leur offrant des services ou des produits de proximité. L’économie sociale occupe une place de plus en plus importante partout dans le monde. Au Québec, on compte 11 200 entreprises qui emploient plus de 220 000 personnes et dont le chiffre d’affaires avoisine les 48 milliards de dollars, soit l’équivalent de 10 % du PIB québécois L’économie sociale permet donc d’améliorer les conditions socio-économiques des personnes, non seulement en créant des milliers d’emplois plus stables[1], mais aussi en comblant de nombreux besoins réels (centres de la petite enfance, aide à domicile, tourisme de proximité, culture, médias, environnement, etc.). La démocratisation de l’économie est sans doute la voie de sortie de la crise actuelle la plus appropriée, étant donné la résurgence des inégalités et le triste bilan écologique de notre planète. On observe que le développement de l’économie sociale est associé à des activités moins dévastatrices de l’environnement et plus porteuse tout en étant un gage de développement local. Lisez les autres chroniques d’Alain Dumas Sources [1] Les coopératives ont un taux de survie de 44 % après 10 ans d’existence, comparativement à 19,5 % pour les entreprises en général.