Les compressions budgétaires du gouvernement Couillard fragilisent le réseau des CPE et rendent les récents projets du nouveau ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx, difficilement réalisables. Notamment, la maternelle à 4 ans pourra-t-elle aider à réduire le décrochage scolaire faute de dépistage précoce et de suivi adéquat des enfants par des éducatrices spécialisées?
Nous avons rencontré une éducatrice (que nous appellerons Mme Nathalie) comptant plus de 15 ans d’expérience dans un CPE de la région. Elle évalue avec nous les impacts de ces coupes.
1) Pour les parents
Depuis le 1er avril 2015, fini les garderies à 7 $. Les tarifs quotidiens varient désormais de 7,30 $ à 20 $, selon les revenus des parents. Par exemple, deux professionnels ayant deux enfants en CPE paieront 5000 $ supplémentaires à la fin de l’année, en plus du tarif quotidien qu’ils paient déjà.
2) Pour les enfants
Il y a moins d’achats de matériel pédagogique. Les projets et les sorties sont rationnés. La qualité de la nourriture diminue (du bœuf haché plusieurs jours par semaine au menu). Les portions sont plus petites. Les collations sont limitées (une galette par enfant pour dessert).
Les risques de maladie sont accrus (moins de temps pour la désinfection des jouets et du matériel). Il y a plus de risques de blessures (les bris ne sont pas toujours réparés).
3) Pour les éducatrices
Les éducatrices doivent assumer d’autres tâches (entretien des locaux et des jouets, soutien à la cuisine) au détriment de la qualité de la présence auprès des enfants.
Les pertes d’emplois, la variation des heures de travail font en sorte que l’atmosphère de travail est plus pénible. Les éducatrices sont souvent fatiguées et moins motivées à faire de la stimulation éducative.
4) Pour les conseillères pédagogiques
L’abolition de postes et la diminution des heures de travail compromettent gravement le dépistage et le suivi des enfants en difficulté.
5) Pour le personnel administratif
La diminution des heures de travail en comptabilité et en secrétariat entraine une surcharge de travail.
Selon Mme Nathalie, « il est difficile de se démarquer des milieux privés quand on nous enlève les outils nécessaires pour le développement de nos enfants, qu’on nous demande de faire plus avec moins, et tout ce remue-ménage va à l’encontre des valeurs véhiculées par les CPE… ces orientations sont désastreuses quand on sait qu’il a été prouvé que le réseau des CPE offre un service de meilleure qualité ».
6) Moins cher au privé / désertion des CPE
Par ses politiques, notre gouvernement favorise le privé, beaucoup moins cher pour l’État. Certains parents préfèrent payer 40 $ par jour en garderie privée et commerciale, les déductions fiscales consenties au provincial et au fédéral ayant souvent pour effet de réduire le coût net de ces services de garde privés. Dans les faits, le service en milieu privé revient à 2 ou 3 $/jour pour certains et se situe autour de 10 à 12 $/jour pour plusieurs. Autre avantage, le ministère du Revenu a mis en place un système de remboursement anticipé qui évite aux familles d’attendre la période des impôts pour encaisser les crédits. Une fois par mois, les parents utilisateurs reçoivent leur dû avant de payer la garderie.
Le calcul est facile à faire. Ces crédits d’impôt sont si généreux qu’en y ajoutant le crédit provincial pour frais de garde d’enfants, il est plus avantageux pour certaines familles québécoises de placer leur enfant dans une garderie privée non subventionnée. Ce qui crée un mouvement important vers le privé.
Mme Courville présidente de la FIPEQ-CSQ « note de plus que les modifications apportées par Québec depuis 2008-2009 ont fait en sorte que le nombre de places offertes en garderies privées non subventionnées a augmenté de 554 pour cent, passant de moins de 7000, en 2009, à plus de 46 000 en 2014. »