Luc Massicotte – Politique municipale – octobre 2021
Chaque élection est l’occasion pour les électeurs de se prononcer. Chroniqueurs politiques, analystes, commentateurs et journalistes s’affairent à identifier ce que la science politique appelle « la question de l’urne », c’est-à-dire la question du débat public que les citoyens tranchent en allant voter. Quel est l’enjeu prédominant que l’électorat veut résoudre par son vote ? Quelle est la question principale qui motive le choix de l’électeur, parmi les débats, les programmes présentés et les valeurs des candidats ? Le plus souvent, la question de l’urne n’apparait clairement qu’à la lumière des résultats.
Généralement au municipal, la question du leadership politique est le premier facteur de décision pour le choix de l’électeur. Au final, plutôt que d’exprimer ses préférences sur des programmes ou des promesses, l’électeur se prononce sur la personne qui occupe le siège de maire ou de mairesse le jour du vote.
Le nécessaire appétit pour le changement
Pour les aspirants qui convoitent la mairie, il est difficile de déloger un maire en exercice, notamment parce que les maires et les mairesses en place jouissent d’une extraordinaire visibilité durant les quatre années du mandat. Ils bénéficient d’une confortable longueur d’avance quand arrive la campagne électorale. La plupart du temps ils sont reportés.es au pouvoir sauf quelques exceptions – Denis Coderre en 2017 à Montréal par exemple.
Les candidats à la mairie s’efforcent de présenter à l’électorat des programmes et des idées, d’avancer des promesses. Mais encore faut-il que, dans la conversation publique, on constate la faiblesse du leadership de l’actuelle mairie. Sans appétit pour le changement, comment convaincre les électeurs de changer de capitaine ? Voilà pourquoi il est peu commun qu’une élection municipale « remercie » un maire ou une mairesse en place qui sollicite un mandat supplémentaire.
S’il est juste qu’une élection à la mairie se résume à un plébiscite sur le leadership des titulaires de la charge, ceux qui aspirent à la fonction doivent quant à eux faire un éloquent plaidoyer de ce qui pose problème; définir hors de tout doute raisonnable la nécessité de changement. Mais étayer cette thèse n’est pas chose facile.
Des luttes de personnalités
La campagne municipale de Saint-Élie-de-Caxton aurait été suivie à l’échelle nationale, n’eût été le retrait du maire Robert Gauthier de la vie politique, après quatre années de tension. Celui qui fut l’objet de vives critiques ayant mobilisé la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation du Québec (sans parler de l’iconique Fred Pellerin) évitera aux Caxtoniens un véritable référendum sur sa personne. Mais même sans lui, l’intérêt électoral ne portera pas d’abord sur les projets de développement économique ou sur les enjeux de la croissance démographique du village, mais sur le renouveau du leadership politique.
À Shawinigan, les électeurs auront un choix à faire. Une position saine en démocratie. Mais il faudra pour Luc Trudel bien plus que des anecdotes démontrant que la gestion aurait pu être meilleure dans les dossiers du projet d’usine du Lac-à-la-Pêche ou de la gestion des finances publiques pour l’emporter. À contrario, tenter de dépeindre le maire Angers comme un maire essoufflé en fin de régime serait grossier. La commande s’avère difficile pour monsieur Trudel, en si peu de temps.
À Trois-Rivières, Valérie Renaud-Martin propose « une manière différente de faire de la politique ». Or, si la démonstration préalable que Jean Lamarche n’est plus l’homme de la situation n’est pas persuasive, l’électorat pourrait ne pas chercher à en savoir davantage, d’autant que Jean Lamarche n’a que deux ans au compteur.
Les maires et les mairesses demeurent centraux dans la dynamique politique municipale au Québec. Les divisions idéologiques et de programmes politiques ne sont pas toujours suffisamment distinctes entre les candidats pour que cela constitue la question de l’urne pour une majorité d’électeurs. Sauf exception, la personnalité des candidats compte plus que toute autre question politique lors du scrutin d’un palier de gouvernement de proximité. Et si les opposants ne s’attardent pas prioritairement à démontrer le besoin de changement, ils pourraient bien voir leurs aspirations déçues.