Jean-Claude Landry – Éditorial – novembre 2021
Alors donc, si l’on en croit le premier ministre François Legault, notre réseau de la santé serait appelé à faire l’objet d’importants changements. Voilà de bien bonnes intentions qu’il faut saluer. La pandémie de COVID-19 a en effet fait ressortir avec une douloureuse acuité les effets néfastes de la centralisation excessive d’un réseau plombé par une chaîne de commandement d’une lourdeur sclérosante.
N’eût été de l’effort surhumain consenti par les intervenantes et intervenants du réseau, avec des conséquences parfois dramatiques pour leur propre santé physique et mentale, on n’ose imaginer où tout cela nous aurait conduits. Quelle chance avons-nous eu de pouvoir compter sur le dévouement et la compétence professionnelle de ces « anges », comme les appelle le premier ministre ! L’œil de l’ouragan étant, semble-t-il, derrière nous, le premier ministre annonce dans le récent discours inaugural que les choses doivent changer.
Il affirme que pour y arriver on aura besoin que tout le monde accepte de changer les façons de faire : les syndicats, les gestionnaires, les ordres professionnels, les employés. Tout le monde, dit-il, sans nommer toutefois le gouvernement et le ministère de la Santé et des Services sociaux. Deux omissions importantes puisque ce « tout le monde » travaille et œuvre dans un cadre qui a été précisément déterminé par les gens qui nous gouvernent et la haute direction du ministère.
Et si c’était ce cadre général qu’il faudrait d’abord revoir de fond en comble pour se donner les chances de relever le défi que nous lance M. Legault ?
Au cours des trois dernières décennies, les gouvernements qui se sont succédés à Québec se sont systématiquement employés à déposséder les communautés locales des pouvoirs qu’elles pouvaient exercer en regard de l’organisation et de la prestation des services offerts à la population. De fusion d’établissements en fusion d’établissements, les citoyennes et citoyens présents au sein des conseils d’administration des établissements locaux de santé ont été renvoyés à leurs affaires. Terminée, l’influence que ces personnes pouvaient exercer sur la gestion de ces établissements. Place à des gestionnaires redevables au seul ministre plutôt qu’à des représentants des communautés.
L’hécatombe vécue dans les CHSLD est, à cet égard, des plus éloquente. Qui peut croire que les choses se seraient passées ainsi si les gestionnaires des CHSLD avaient été redevables à une autorité dite de proximité ?
« Le gouvernement va procéder à une vaste décentralisation du réseau de la santé vers les régions et vers les sous-régions du Québec » a déclaré M. Legault. Un effort dont les résultats pourraient se révéler bien modestes s’il n’est pas accompagné d’un droit de regard des communautés locales sur la gestion des établissements de santé présents sur leur territoire. Et d’un retour à des établissements à dimension humaine, plus propices au développement du sentiment d’appartenance et à la reconnaissance de celles et ceux qui y travaillent.
Vivement des établissements où l’intelligence citoyenne sera mise à profit via des conseils d’administration de proximité riches d’une représentation significative des communautés locales.
« Quand les Québécois se mettent ensemble, ils sont capables de grandes choses » disait le premier ministre en conclusion de son discours inaugural. En redonnant un réel pouvoir aux citoyens et aux communautés locales, il ne peut que contribuer au maintien et au renforcement de cette salutaire cohésion nationale qui lui est si chère.