Alain DumasAlain Dumas – Économie – Avril 2021 Au cours des dernières années, des centaines de millions de dollars de fonds publics ont été engloutis dans des projets industriels au Québec. Qu’on pense à la cimenterie à Port-Daniel dans laquelle Investissement Québec, le bras financier du gouvernement, a perdu près de 500 millions de dollars. Si le projet actuel de gaz naturel liquéfié (GNL) à Saguenay devait voir le jour, il y a fort à parier que le gouvernement du Québec finisse par y injecter des fonds publics. Le 25 mars dernier, le Gouvernement du Québec rendait public le rapport du BAPE (Bureau d’audience publique sur l’environnement) sur le projet d’usine de liquéfaction de gaz naturel, dirigé par le groupe Gaz naturel liquéfié Québec (GNL Québec). Ce gaz, qui est extrait par fracturation hydraulique (largement rejetée au Québec) serait transporté par gazoduc de l’Alberta à Saguenay, puis exporté par bateau depuis le fjord du Saguenay jusqu’à l’Asie et l’Europe.

L’arrivée de GNL Québec exercerait une pression concurrentielle qui aurait pour effet de réduire les prix du gaz, ce qui retarderait le développement des énergies renouvelables en Europe. En remplaçant un gaz par un autre gaz, la promesse de GNL Québec de réduire les GES au niveau mondial ne tient plus la route. – Getty images

Ce rapport, qui déboulonne l’essentiel de l’argumentaire de GNL Québec, en arrive à la conclusion que le projet risque d’être globalement perdant, c’est-à-dire autant sur le plan écologique qu’économique. Selon le BAPE, puisque le projet « pourrait constituer un frein à la transition énergétique sur les marchés visés », « le gouvernement ne peut escompter des réductions nettes de GES (gaz à effet de serre) au niveau mondial », et ce, d’autant plus « que cette industrie est elle-même une source importante d’émissions de GES ». Enfin, le BAPE souligne « les risques associés au trafic maritime sur les mammifères marins qui fréquentent le Saguenay et l’estuaire du Saint-Laurent, notamment le béluga. »[1]

Les risques économiques du projet

Le BAPE émet aussi de sérieux doutes sur l’analyse économique du projet. Or, depuis le lancement du projet en 2014, les conditions du marché mondial ont sensiblement changé. On y souligne, d’une part l’incertitude entourant la hausse de la demande de gaz en raison des engagements des gouvernements dans la lutte contre les changements climatiques ; et d’autre part l’arrivée de nouveaux concurrents qui pourrait rendre inutile la production de GNL Québec. Ces nouvelles données laissent entendre que GNL Québec pourrait avoir besoin de l’aide financière du gouvernement si le projet allait de l’avant. C’est ce que démontre le mémoire de l’IRIS[2] déposé au BAPE. Si GNL Québec affirme que son projet contribuera à réduire les émissions mondiales de GES, c’est parce son gaz remplacera le charbon en Asie. Or, il s’avère que deux autres entreprises nord-américaines, qui visent le marché asiatique, reçoivent des aides publiques importantes, ce qui leur confère un avantage concurrentiel sur GNL Québec. De plus, comme ces deux entreprises sont mieux situées géographiquement pour exporter en Asie (l’une d’entre elles est située en Colombie-Britannique) et que les projets de gazoduc entre la Russie et la Chine se multiplient, GNL Québec se retrouve ainsi dans une position nettement désavantageuse par rapport à ses concurrents. Dans ce contexte, GNL Québec devrait se tourner vers le marché européen, cependant que celui-ci s’approvisionne déjà en gaz naturel européen. L’arrivée de GNL Québec exercerait ainsi une pression concurrentielle qui aurait pour effet de réduire les prix du gaz, ce qui retarderait le développement des énergies renouvelables en Europe. En remplaçant un gaz par un autre gaz, la promesse de GNL Québec de réduire les GES au niveau mondial ne tient plus la route. Enfin, le contexte de surproduction mondiale ferait chuter le prix du gaz naturel et par le fait même la rentabilité du projet de GLNQ, à moins que le gouvernement du Québec consente à une aide publique. Au moment d’écrire ces lignes, le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, ne rejetait toujours pas le projet, et demandait à GNL Québec de répondre au rapport du BAPE d’ici la fin de l’été. On peut se demander comment un tel projet pourrait soudainement devenir recevable compte tenu de tous les risques qu’il comporte. C’est donc dire que ce délai accordé par le ministre ne fera que retarder un nouveau plan de développement durable pour la région de Saguenay. [1]Rapport d’enquête et d’audience publique sur l’environnement, Projet de construction d’un complexe de liquéfaction de gaz naturel à Saguenay, BAPE, Rapport 358, Mars 2021. [2]Colin Pratte et Bertrand Schepper, pour l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques, GNL Québec : un projet risqué qui retarderait la transition énergétique, 27 octobre 2020.

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