Marc Benoît – Coordonnateur du Regroupement des organismes d’éducation populaire autonome de la Mauricie (ROÉPAM) – Collaboration spéciale – Dossier relance ou Renouveau ?
Depuis quelques années déjà, le militantisme associé à la lutte aux changements climatiques vit une transformation progressive. D’une question relevant principalement de l’écologisme, les changements climatiques se mesurent désormais en fonction de leurs effets sur les sociétés humaines dans leur ensemble. La tendance à ne plus analyser les déséquilibres du climat sous le seul angle environnemental se fait de plus en plus lourde. Dès maintenant, nombreuses sont les voix qui s’élèvent afin de favoriser l’intégration du concept de la justice sociale à celui de la lutte contre les changements climatiques. Bien entendu, la société québécoise n’y fait pas exception.
Par justice sociale, nous entendons un combat mené sur plusieurs fronts à la fois : l’antiracisme, la lutte à la pauvreté et à la l’exclusion, l’égalité des femmes et la défense des droits LGBTQIA+, le respect des principes démocratiques, l’accès à des services publics de qualité, etc. Ainsi, la lutte aux changements climatiques ne peut se faire sans l’implication des communautés autochtones du Québec et selon les principes d’un dialogue égalitaire de nation à nation. Un tel dialogue est devenu nécessaire afin de soutenir adéquatement les communautés autochtones qui sont plus vulnérables de par leur éloignement des centres urbains et la vétusté des infrastructures à leur disposition. L’époque du colonialisme étant largement révolue, le temps est désormais à l’écoute, à l’échange et à un travail mutuellement bénéfique. La lutte aux changements climatiques peut représenter une occasion particulièrement favorable à ce type de concertation.
Il est aussi admis que les dérèglements climatiques auront des conséquences beaucoup plus significatives sur les populations pauvres. Il serait donc bien mal avisé d’exclure les personnes victimes de pauvreté en les marginalisant au sein d’une lutte qui les concernent en premier lieu. Pour ne donner qu’un exemple, l’achat d’un climatiseur afin de palier à une canicule intense semblera un investissement relativement anodin pour un membre de la classe moyenne, mais deviendra un réel fardeau économique pour tout individu issu des couches sociales les plus pauvres. Le même constat s’impose lorsque qu’il est question de la hausse du coût des denrées alimentaires qui découlera probablement des changements climatiques et de l’adaptation des pratiques agricoles qui s’en suivra. Frappées coup sur coup par les effets économiques néfastes de la Covid-19 et des dérèglements du climat, les populations moins nanties seront particulièrement fragilisées.
Il en va de même pour les services publics qui risquent fort de subir une pression immense alors que les températures plus chaudes provoqueront une hausse des risques socio-sanitaires. Les coups de chaleur, les désagréments dus au smog et la propagation accrue de certaines maladies n’en sont que quelques conséquences possibles. C’est pourquoi il est nécessaire d’assurer un financement adéquat des services publics afin que ceux-ci soient préparés à gérer et même à prévenir les pires désagréments liés aux changements climatiques. Pour se faire, la contribution des strates privilégiées de la population devrait être accentuée afin que tous les citoyens et les citoyennes du Québec puissent bénéficier d’un filet social qui soit efficace, accessible et moderne. Avec la pandémie mondiale qui nous touche actuellement, il semble évident que les services publics ne relèvent pas du luxe, mais forment plutôt un pilier sur lequel notre société est bâtie.
Devant ces constats, le Regroupement des organismes d’éducation populaire autonome (ROÉPAM) souhaite inviter l’ensemble du mouvement écologiste du Québec à intégrer à son discours et à ses actions le concept de justice sociale, en tenant compte – voire en priorisant – la participation des personnes les plus exclues de notre société. Alors que le monde entier vit des crises subséquentes et d’ampleurs considérables, il est de notre devoir de tisser le plus grand nombre d’alliances possibles. L’adoption ainsi que l’intégration du concept de justice sociale au sein de la lutte aux changements climatiques sont tout indiquées pour atteindre cet objectif devenu nécessaire. C’est par notre solidarité collective que nous surmonterons la crise à venir.
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