Photo : Dominic Bérubé

Un texte de Daniel Landry

Le 5 novembre 2024 auront lieu les élections chez nos voisins du Sud. À moins d’un revirement de situation, la population américaine aura à choisir entre la continuité de la présidence Biden et le retour aux années Trump. Plus que jamais dans l’histoire récente, les Américain-es seront placés face à deux visions clairement distinctes de leur pays. Et leur choix risque d’être déterminant pour la suite du monde.

Vu ce scénario, il semblerait naturel que les électeurs et électrices puissent étudier en profondeur les approches, programmes et promesses des candidats avant de déposer leur bulletin dans l’urne (physique ou virtuelle). Mieux encore, il s’avérerait pertinent qu’ils-elles puissent analyser le bilan respectif des candidats, d’autant plus que tous deux ont déjà eu l’occasion d’occuper la Maison-Blanche dans un mandat précédent. Toutefois, l’étude des bilans et des promesses semble relever d’une façon révolue de penser et de faire la politique. Désormais, le choix s’appuie sur les images plus que sur les mots, sur les impressions plus que sur les programmes. Par exemple, nonobstant leurs différends idéologiques, le  Yes We Can obamien de 2008 n’est guère différent du  Make America Great Again  trumpien de 2016 dans sa portée, mais aussi dans sa capacité de mobiliser les bases militantes. Dans les deux cas, le slogan est gage de succès.

Dans un tel contexte, plus que jamais, la « quête du vrai » cède le pas à l’opinion et à la perception. D’où l’expression « post-vérité » ou « post-factuel » pour décrire notre ère politique. À vrai dire (sans mauvais jeu de mots), il est sans doute abusif de parler d’une « ère » de post-vérité, puisque la politique s’est toujours exercée à partir de faits, mais aussi – et surtout – d’opinions et d’émotions. En revanche, ce qui inquiète considérablement est cette absence de « quête » de vérité au cœur de la politique actuelle et de la présente campagne américaine. Cette inquiétude est d’autant plus avérée dans un monde où les garde-fous que sont les médias traditionnels vivent une crise sans précédent et sont impuissants à porter un regard critique apartisan. Plus que jamais, la politique semble donc se réfléchir et se pratiquer de façon manichéenne. Sans les nuances que nécessiterait une campagne d’une telle importance.

Si cette « recherche de vérité » paraît de plus en plus difficile à atteindre, c’est clairement en raison de l’effet de plusieurs facteurs : les théories du complot ont gangrené l’opinion lors de crises importantes (du 11 septembre 2001 à la pandémie de Covid-19 en 2020) ; les médias traditionnels cèdent le pas à l’opinion gérée à la sauce algorithmique depuis l’arrivée massive des réseaux sociaux ; la manipulation de la vérité à des fins stratégiques et partisanes a également fragilisé la confiance envers les politicien-nes à plusieurs reprises (l’Irak et les armes de destruction massive en 2003, la gestion du scandale de Wikileaks en 2010, ou dans une moindre mesure la mythomanie de George Santos en 2023). À cela, ajoutons que les nouvelles technologies rendent toujours plus complexe la différenciation du vrai et du faux (fake news, deep fakes). 

Les États-Unis d’Amérique se targuent d’être la plus importante démocratie du monde. Or, depuis quelques années, cette démocratie est menacée de toutes parts : augmentation des inégalités socioéconomiques, tensions intercommunautaires, tentations autocratiques. Ce qui protège cette démocratie demeure sa capacité de débattre, de remettre en question et de critiquer les hautes instances du pouvoir. Dans un monde où la vérité est oblitérée, cette protection tombe. C’est d’ailleurs pourquoi, dans un essai publié en 2006, le philosophe américain (récemment décédé) Harry Frankfurt distinguait le mensonge de la connerie. Dans le premier cas, on cherche à cacher la vérité, dans le second, on ne s’en soucie tout simplement plus. Dans cette campagne électorale, qu’on accepte qu’un candidat à la présidence n’ait aucune estime pour la vérité me paraît passablement inquiétant pour l’avenir de cette démocratie.

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