Claude Lacaille, Comité de Solidarité Trois-Rivières, mai 2016
Dans les années 1960, en réaction à la révolution cubaine, une kyrielle de dictatures militaires latino-américaines surgirent avec l’appui de Washington. Au Brésil en 1964, puis au Chili, en Argentine, en Bolivie, au Paraguay et en Uruguay. En 1975, à l’initiative du général Pinochet, les services secrets de plusieurs pays mirent en place l’Opération condor, une campagne d’assassinats et de lutte antiguérilla qui pourchassa avec acharnement les dissidents politiques et les élimina jusqu’en Europe et aux États-Unis.
Ainsi, au siècle passé, le terrorisme d’état s’imposa, lançant contre les populations ses escadrons de la mort au nom de la sécurité nationale. Ces guerres infâmes, menées par les élites nationales et nourries par la main étatsunienne, avaient pour objectif d’imposer l’économie de marché. Leurs armes de prédilection : la liquidation et la privatisation des entreprises contrôlées par les États, la suppression des barrières tarifaires, le démembrement des syndicats, l’élimination de la gauche et le musellement de la liberté d’expression.
L’ÉMERGENCE DE GOUVERNEMENTS PROGRESSISTES
Au début du 21e siècle, un vent de changement a soufflé sur l’Amérique latine. Des gouvernements progressistes ont émergé, et avec eux la volonté de réduire les inégalités croissantes s’est affirmée.
Le Venezuela, avec Hugo Chavez, a entrepris sa révolution bolivarienne en investissant ses revenus pétroliers dans les infrastructures d’éducation et de santé publique. Pendant 12 ans, le couple Nestor et Cristina Kirchner a bataillé ferme pour permettre à l’Argentine de sortir de la pire crise économique de son histoire et d’améliorer substantiellement les conditions de vie des travailleurs. Le Brésil, sous la gouverne de Lula et de Dilma Roussef, a accordé la priorité aux politiques pour l’élimination de la faim, l’amélioration de la vie dans les favelas et l’organisation de services de santé dédiés aux classes défavorisées. En Bolivie, Evo Morales, un autochtone aymara, dirige le pays avec de confortables majorités depuis trois mandats. Il a déployé ses efforts pour contrer l’analphabétisme, étendre l’accès à l’éducation, éliminer la pauvreté (le salaire minimum a été rehaussé de 58 % depuis dix ans), redistribuer les terres aux paysans et réduire la mortalité infantile. Les populations autochtones, ces sempiternelles oubliées, ont été sa priorité. Au niveau international, il s’est fait l’ardent défenseur de la Mère-Terre contre le réchauffement climatique.
LES VAUTOURS SONT AUX AGUETS
Or, le ralentissement économique mondial affecte particulièrement les pays du Sud dont l’économie a toujours été basée sur l’exportation de matières premières. Cette situation rend les gouvernements de ces pays très vulnérables. Désormais, les vautours planent à nouveau sur les États latino-américains et l’Opération condor, toujours en vigueur, déploie de nouvelles stratégies.
Si les dictatures militaires sont histoire du passé, la guerre est livrée par d’autres moyens. Par exemple, le terrorisme d’état au Mexique et en Colombie cumule les disparitions forcées par milliers. Ici, on criminalise les leaders communautaires, les écologistes, les défenseurs des droits humains. Là, on assassine les opposants aux projets miniers, les sonneurs d’alertes et les journalistes. Des coups d’État « de velours » sont planifiés et promus au Honduras, au Brésil, au Venezuela et en Bolivie. Ce dernier pays a même expulsé l’ambassadeur américain en 2008 pour complot avec des putschistes. Il est de notoriété publique que les classes dominantes et patronales reçoivent l’appui financier et politique des États-Unis pour discréditer et déstabiliser ces gouvernements légitimement élus. Sans compter que les médias jouent un rôle fondamental pour diaboliser, désinformer, mentir et calomnier. Oui, l’Opération condor bat toujours son plein en faisant fi de tout principe démocratique.
En Amérique latine, les partisans du système néolibéral s’acharnent à reconquérir le pouvoir politique. Ils sont déterminés à reprendre là où ils l’avaient perdu le pillage séculaire des ressources naturelles en détruisant la Mère-Terre et en accentuant davantage les inégalités sociales. Cependant, ces mêmes partisans ne doivent pas oublier l’avertissement qu’Evo Morales servit à Barack Obama en avril 2015 : « Nous avons cessé d’être une région obéissante, disciplinée, asservie et soumise : aujourd’hui, nous avons un continent en rébellion qui veut réaliser son autodétermination. » Que les vautours se le tiennent pour dit.