Photo : Anne-Sofie Bathalon / © La Gazette de la Mauricie et des environs

Dans la tranquillité apparente de leur quotidien, de nombreuses personnes aînées de la Mauricie vivent une précarité budgétaire sourde, faite de renoncements invisibles. C’est ce que révèle le rapport de recherche Dans l’ombre du désengagement de l’État, publié par le Centre d’intervention budgétaire et sociale de la Mauricie. Basé sur une quarantaine d’entrevues réalisées durant la pandémie, le document donne la parole à des personnes âgées vivant uniquement de leur pension de vieillesse, souvent moins de 2 000 $ par mois, et tente de cerner les causes systémiques de leur insécurité.

À travers leurs récits, un mot revient comme un leitmotiv : sécurité. Sécurité financière, sécurité alimentaire, sécurité résidentielle. Or, ces conditions sont loin d’être réunies pour une part significative de cette population. « Si jamais arrive une obligation de changer de logement, par exemple, aucun-e de nos participant-es n’en aurait les moyens financiers dans le contexte actuel », peut-on lire, par exemple, dans le rapport. [1]

Une précarité silencieuse

Le logement apparaît comme la clé de voûte de cette fragilité. Malgré leur volonté de rester dans leur domicile le plus longtemps possible, plusieurs aîné-es sont menacé-es par la flambée des loyers ou par des rénovictions. Le rapport dénonce l’ambiguïté entretenue par les politiques publiques entre « domicile » et « résidence » privée. L’auteur du rapport, Bertrand Rainville, explique, qu’au départ, il ne voulait pas traiter de la question des résidences privées pour aîné-es (RPA), mais que, au final, cet élément a semblé incontournable. 

« Nous abordons aussi la question des résidences. Ces machines à argent, faisant l’objet d’une concentration de monopoles, biberonnées aux subventions de l’État, préoccupées par leurs profits et leur économie d’échelle, qui n’ont de cesse d’exploiter le moindre service rendu pour augmenter leur cagnotte. Nous concluons que le privé n’a pas d’affaire dans le social. » 

Alors que le Crédit d’impôt pour maintien à domicile des aîné-es devrait soutenir le choix de vieillir chez soi, plus de 80 % de ce crédit est dirigé vers les RPA, un marché de plus en plus dominé par de grands groupes financiers, selon le rapport. Cette orientation vers le privé est jugée incompatible avec les besoins sociaux. En entrevue, Bertrand Rainville souligne que l’une des solutions réside dans les RPA à but non lucratif ou étatisées. 

L’alimentation, variable d’ajustement

« On se rend compte que les gens s’organisent avec ce qu’ils ont, ils s’adaptent. C’est le maître mot du rapport, adaptation. Par contre au niveau des budgets, on se rend compte que, concernant la nourriture, ils coupent là-dedans. » raconte Bertrand Rainville. En ce sens, le second facteur de stress majeur est l’inflation alimentaire. Lorsque les revenus sont fixes et que les loyers grimpent, c’est l’alimentation qui écope. Plusieurs répondant-es réduisent leurs portions, achètent moins de viande ou sautent des repas. Pour beaucoup, l’accès physique aux épiceries est limité : pas d’auto, peu de transport en commun, et une santé fragile. Faire plusieurs endroits selon les rabais en semaine est donc plus compliqué pour plusieurs.  

Finalement, pour plusieurs, les restaurants sont un luxe qu’ils ne peuvent plus envisager. « De tout façon, ils coupent aussi sur les sorties. À un moment donné, on leur demande combien de plus ils voudraient par mois. Le chiffre qui ressort est entre 300 $ et 500 $. Ça, ça leur permettrait d’être un peu mieux vêtu, d’un peu mieux manger et, de temps en temps, d’aller prendre un repas au restaurant. Ils m’ont tous dit ça. Et ça, c’est la sociabilité », explique Bertrand Rainville. 

Des solutions concrètes

Pour remédier à la précarité des aîné-es, le rapport avance plusieurs pistes concrètes. Il recommande d’abord de rendre le Programme de supplément au loyer plus accessible, en éliminant les barrières administratives et en obligeant la participation des propriétaires. 

Il propose également de réorienter les fonds publics vers le développement de résidences collectives à but non lucratif, afin de créer une alternative abordable aux résidences privées. 

Une hausse modeste des pensions de vieillesse, de 300 $ à 500 $ par mois, est aussi souhaitée par les répondant-es pour couvrir les besoins essentiels. Enfin, le rapport insiste sur l’importance d’un meilleur accompagnement administratif, pour que les aîné-es aient accès aux prestations, parfois méconnues, auxquelles ils et elles ont droit.

Bien vieillir, un choix de société

« La pauvreté se vit intimement, elle est ressentie au plus profond de soi parce qu’elle est relative à la majorité de la population. » [2] Au fil des pages, le rapport rappelle que la pauvreté n’est pas qu’un indicateur économique : elle est aussi vécue dans le sentiment de décalage par rapport à une société de consommation à laquelle on ne peut participer.

Ce que ce document nous dit, en filigrane, c’est qu’on ne peut parler de vieillissement digne sans aborder les conditions matérielles de base. Le maintien à domicile, le droit de bien s’alimenter, la liberté de rester dans un logement qui correspond à nos besoins et qu’on aime : voilà des droits que l’État devrait garantir. Sinon, il abandonne une part croissante de la population à l’usure tranquille d’un quotidien restreint.


Sources
[1] p. 65 du rapport
[2] p. 12 du rapport

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