« L’éducation est l’arme la plus puissante que l’on puisse utiliser pour changer le monde », affirmait Nelson Mandela. Sur ce point, le Québec serait donc en bonne position car le quart de son budget annuel est dédié aux institutions d’enseignement. Encore faut-il savoir comment tout cet argent est dépensé. Et encore faut-il s’assurer que les méthodes pédagogiques et les programmes en place contribuent de façon optimale au développement des enfants.
Or, rien n’est moins certain concernant notre système d’éducation. Les réformes qui se sont succédé au cours des années, en particulier les chambardements axés sur la mise en valeur des compétences au détriment trop souvent de l’acquisition des savoirs, sont loin de faire l’unanimité. Coïncidence ou pas, les jeunes et les adultes québécois considérés comme étant des analphabètes fonctionnels n’ont jamais été si nombreux. Il en va de même pour les taux de décrochage, en particulier chez les garçons. Rien de rassurant non plus ! Et que dire des résultats de l’évaluation des élèves qui sont modifiés à l’insu des professeurs pour assurer la note de passage au plus grand nombre possible? Une risée ! Enfin, comment ne pas dénoncer les politiques d’austérité qui ont rendu le personnel enseignant à bout de souffle…. N’en jetez plus, la cour est pleine, serait-on tenté de dire.
Hélas non. Une étude récente de l’IRIS, nous confirmait ce dont on se doute bien, à savoir que l’école québécoise évolue dans un système à trois vitesses. À la vitesse grand V, on retrouve le réseau des écoles privées. Pas loin derrière, suivent les écoles publiques qui tentent de lui faire concurrence en offrant des programmes à vocation particulière. Ces deux secteurs recrutent les élèves les plus performants de l’appareil scolaire québécois. En troisième vitesse, en queue de peloton, on retrouve le teuf-teuf des classes régulières, regroupant les enfants issus de milieux défavorisés et les autres, moins chanceux au jeu des épreuves classificatoires des programmes particuliers. Beau cas de discrimination sociale !

“On est en train d’assister à l’inéluctable partition du système scolaire québécois.” – Réal Boisvert
Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Tout se passe en effet comme si le ministère de l’Éducation était à la solde des familles les mieux nanties en subventionnant largement le système privé et en multipliant les filières d’élites à l’intérieur du cursus régulier.
Le plus ironique dans tout cela, toujours selon l’IRIS, c’est que ce système à trois vitesses n’avantage pas nécessairement les élèves les plus performants alors qu’ils pénalisent les élèves les plus défavorisés. « Mettre les enfants privilégiés et doués dans les mêmes classes n’améliore pas leur performance et de plus, les retirer de l’école commune nuit aux autres », ont constaté les chercheurs de l’IRIS.
Au surplus, l’absence de mixité dans une même classe empêche le développement d’une culture d’entraide entre les moins doués et ceux qui le sont davantage. De la même façon, elle exclut le développement d’une saine émulation où, à armes égales, les meilleurs élèves ne sont pas toujours ceux dont les parents sont les plus riches.
Ce qui est sûr, c’est qu’au rythme où vont les choses, on est en train d’assister à l’inéluctable partition du système scolaire québécois. Un coup de barre s’impose. Car il ne revient pas à l’école de contribuer à l’accroissement des inégalités mais à favoriser le plein accomplissement du potentiel de développement de tous les élèves. Cela pour notre plus grand bien et pour l’avènement d’un monde meilleur.