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Il y a vingt ans, l’ancienne ministre de la Culture et des Communications, Line Beauchamps, en poste de 2003 à 2007, commandait un rapport afin de faire le portrait des médias communautaires. C’est donc en 2005 que le rapport nommé État de la problématique a été déposé par le comité directeur sur les médias communautaires présidé par Mme Dominique Vien, alors adjointe administrative de la ministre Beauchamps. Ce comité avait alors relevé 33 enjeux qui concernent les médias communautaires, et dans un document connexe, les pistes de solutions pour y remédier. La conclusion du document explique que la problématique exposée met en évidence les nombreux défis auxquels les médias communautaires sont confrontés, notamment en raison de l’évolution de l’industrie des médias (concurrence accrue, avancées technologiques, changements réglementaires, etc.), de l’intervention des gouvernements et d’autres acteurs locaux et régionaux, ainsi que des capacités organisationnelles limitées des médias communautaires pour faire face à ces défis, notamment en ce qui concerne le problème persistant du financement. Malheureusement, deux décennies plus tard, force est de constater que de nombreux enjeux soulevés persistent encore, et ce, malgré le consensus des experts sur la pertinence des médias communautaires au Québec.
Dans un récent épisode de l’émission La tête dans les nuances, Robert Aubin, l’animateur, interroge Isabelle Padula, directrice générale et journaliste de La Gazette sur la définition du terme média communautaire. « Les médias communautaires sont très différents les uns des autres. » Elle poursuit : « on va les regrouper dans les domaines de la radio, dans les domaines de la télévision et les domaines de la presse écrite. […] Chaque catégorie à sa propre association qui les représente. […] La forme juridique [diffère] également, donc ça va être regroupé sous forme d’organisme à but non lucratif ou d’entreprise d’économie sociale. Ce ne sont pas des médias qui appartiennent à un seul propriétaire ou qui sont cotés en bourse ou à un consortium. C’est vraiment une gestion démocratique du média avec un conseil d’administration, un média qui est vraiment au service de citoyen, de la population. »
La centralisation des médias fait référence à la concentration du contrôle et de la propriété des médias entre les mains d’un nombre restreint d’entités ou d’acteurs. D’ailleurs, au Québec, un petit nombre d’entreprises ou de groupes, Québecor, Bell Média ou encore Transcontinental par exemple, détiennent et contrôlent la majorité des médias, que ce soit des journaux, des chaînes de télévision, des stations de radio ou des plateformes en ligne.
La centralisation des médias est souvent vue comme un défi pour la démocratie et la diversité de l’information, car elle peut entraîner une concentration excessive du pouvoir d’informer et d’influencer l’opinion publique entre les mains d’un petit nombre d’acteurs. C’est d’ailleurs ce qu’affirme Paule Vermot-Desroches, représentante de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec. Elle peut également limiter la variété des perspectives et la représentation équitable des différentes voix au sein d’une société.
Journalisme en région
Après des coupures importantes chez Québecor, de nombreux journalistes ont été contraints de quitter le navire de TVA Nouvelles. À Trois-Rivières, seuls quatre journalistes et deux caméras ont pu rester en poste. Dorénavant, ce seront des journalistes dans les studios de Québec qui présenteront les nouvelles régionales, au travers leur regard de citadin de la Capitale. En ce qui à trait aux Coops de l’information, qui comprend le quotidien le Nouvelliste, dans la première semaine de novembre, 125 membres ont quitté volontairement.
Pourtant, plusieurs experts estiment que le journalisme de région est essentiel, ce que soutient également le rapport présenté ci-haut, et ce, avant même l’arrivée de la crise des médias. En 2008, le conseil de presse publiait un rapport intitulé L’état de la situation médiatique au Québec : l’avis du public. Dans la section qui concerne les médias en région, le conseil soulignait que « le public déplore largement le manque de couverture régionale, tant factuelle qu’éditoriale, et cela dans tous les types de médias. Pour la majorité des participants de la tournée, les citoyens connaissent mal le Québec et estiment largement que leur réalité est peu ou mal représentée ». Malheureusement, il semble manifeste que la situation ne s’améliore pas depuis.
La nécessité des médias communautaires
La conclusion du rapport État de la problématique soulève que le principal problème auquel font face les médias communautaires concerne la question du financement. Or, il soulève également l’importance et la nécessité de ces médias. Tout comme le souligne Paule Vermot-Desroches dans l’émission La tête dans les nuances, les médias communautaires sont « complémentaires aux médias traditionnels » et viennent couvrir bien souvent «les angles morts », c’est-à-dire les évènements ou enjeux qui ne bénéficient d’aucune couverture médiatique.
Les médias communautaires sont présents dans l’ensemble des 17 régions administratives du Québec. Ceux-ci sont donc encore plus nécessaires dans les régions éloignées, ou la couverture des médias de masse se fait moindre. Il s’agit de propos soutenus par les experts qui ont rédigé le rapport, on peut y lire : « ils demeurent aujourd’hui des acteurs incontournables dans l’évolution des régions du Québec et assurent la circulation d’une information diversifiée, respectueuse des besoins des groupes et des citoyens auxquels ils s’adressent. »
Tout bien considéré, malgré la reconnaissance de leur importance, les médias communautaires continuent de lutter contre des problèmes tels que le financement insuffisant, la centralisation des médias entre les mains de quelques grandes entreprises, et la réduction de la couverture médiatique régionale. En favorisant l’inclusion des médias communautaires, on souligne leur rôle complémentaire aux médias traditionnels et leur capacité à couvrir des sujets souvent négligés. Ils sont présentés comme des acteurs incontournables dans l’évolution des régions du Québec, assurant la circulation d’une information diversifiée et respectueuse des besoins des communautés auxquelles ils s’adressent.