Jean-Claude Landry et Réal Boisvert, janvier 2019
Les entreprises de presse, particulièrement la presse écrite, traversent actuellement une crise qui menace à terme, leur pérennité.
Au Québec comme ailleurs, les publicitaires, piliers traditionnels de la presse commerciale, désertent les médias traditionnels. Ils le font au profit de nouveaux médias électroniques tels les Facebook, YouTube, Google News et autres géants du web qui diffusent à tout vent des contenus informatifs souvent pillés sans vergogne aux journaux encore en vie (voir graphique des revenus des GAFAM). Puisqu’ils ne sont pas soumis aux codes relatifs à la rigueur et la déontologie propres aux médias traditionnels, il leur arrive aussi à l’occasion de diffuser des informations à l’origine douteuse dont la teneur est souvent entachée de faussetés.
Vous trouverez plus de infographies sur Statista
Cette mutation constitue un sujet d’inquiétude majeure pour qui considère l’information généraliste et l’information locale essentielles au fonctionnement d’une société fondée sur les règles de droit et la démocratie.
Comment dès lors faire en sorte que les géants du WEB n’emportent pas tout sur leur passage? Comment surtout maintenir une vitalité informationnelle qui ne soit pas réservée à des cercles restreints mais à l’usage élargi du plus grand nombre? Cela afin que les citoyens ordinaires soient avisés sur les enjeux locaux, nationaux ou internationaux qui les concernent (pensons ici aux conséquences bien locales des accords de libre-échange)?
Lire les autres articles du dossier sur nos médias communautaires
Les médias communautaires ont en partie réponse à ces questions, car leur mission consiste certes à produire des informations diversifiées, de qualité et d’intérêt. Mais cette mission vise aussi à porter la voix des gens et des communautés, à permettre à ceux et celles qui veulent « prendre parole » de s’inscrire à leur manière dans le débat public.
Tout autant que des lieux d’expression, les journaux, les radios et les télés communautaires sont également des milieux d’apprentissage qui, parfois, seront à l’origine de choix de carrières décisifs. Certains y acquerront une éloquence écrite ou orale leur permettant d’exprimer clairement leurs points de vue. Pour d’autres ce sera l’occasion d’y découvrir ou d’y parfaire certaines habiletés techniques, numériques ou artistiques. Nombre de bénévoles y développeront des compétences de toutes sortes grâce à leur présence dans un conseil d’administration, un comité de programmation, une équipe de rédaction ou toute autre structure participative chère aux médias communautaires.
Plusieurs études ont démontré que l’accès à l’information locale et régionale est à la base de l’engagement citoyen. Ce à quoi répondent parfaitement les médias communautaires tout en entretenant un fort lien de proximité avec leur lectorat. C’est donc souvent à eux que feront appel la population locale pour faire connaître et partager ses projets et activités, faire valoir ses attentes et exprimer, au besoin, ses revendications. Par la place et le rôle qu’ils assument au sein de leur communauté, les médias communautaires participent grandement au resserrement du tissu social et au renforcement, chez les citoyens et citoyennes qui y résident, d’un sentiment d’appartenance et de fierté à l’égard de leur milieu de vie. À mille lieues des « Google » de ce monde.
Un autre trait essentiel aux médias communautaires est de ne pas être sujet aux aléas du marché. Leur existence ne consiste pas à gagner des parts de profits ou à accroître des marges bénéficiaires. Elle vise à produire et diffuser des informations servant de levier à la participation citoyenne et à l’apprentissage collectif. La connaissance est un butin, disait Maxime Gorki. L’information produite par l’entrepreneuriat social l’est tout autant. C’est ainsi que les médias communautaires contribuent au mieux vivre ensemble et à l’avancement du bien commun.