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Un texte de Charles Fontaine
Parler de paix, de démilitarisation et de désarmement, c’est dans l’ADN du Comité de solidarité/Trois-Rivières. Mais être pacifistes, être pour la paix, qu’est-ce que ça signifie dans un monde où on nous répète que ce n’est plus à la mode ? En effet, la question se pose : qu’est-ce que ça veut dire, aujourd’hui, militer pour la paix ?
J’ai récemment trouvé quelques réponses dans le petit ouvrage que propose Carl Bouchard, professeur en histoire à l’Université de Montréal, joliment intitulé : « La paix, malgré tout : Un siècle de réflexions et d’actions contre la guerre ». Dans cet ouvrage historique, publié l’an dernier aux éditions du Septentrion, Bouchard offre une contre-histoire du 20e siècle où ce qui compte n’est pas tant les guerres que les initiatives de celles et ceux qui ont voulu les empêcher.
En plus de présenter l’histoire de certaines conventions internationales, initiatives diplomatiques et des pactes comme le pacte Briand-Kellog, l’ouvrage contient des éléments des plus étonnants et inspirants.
Par exemple, Bouchard y parle du trop peu connu « passeport Nansen », document de voyage international créé par la Société des Nations (ancêtre de l’ONU) en 1922 du nom du diplomate et explorateur norévigen Fridtjof Nansen. À la suite de la Première Guerre mondiale, ce passeport a permis à des milliers d’apatrides, des personnes migrantes et déplacées de voyager en toute légalité et de reconstruire leur vie dans un autre pays.
Ce symbole important de solidarité internationale et de protection des droits des personnes réfugiées est aussi un symbole de paix, car il a su contribuer à la dignité humaine et à la stabilité du monde. De quoi nous inspirer dans la crise migratoire que nous vivons et que les enjeux climatiques et les guerres ne peuvent qu’aggraver.
Bouchard évoque aussi l’histoire derrière le peace sign, petit symbole circulaire qui à lui seul rappelle toutes les mobilisations pour la paix des années 1970. Si je ne m’identifie pas au mouvement hippie, celui-ci reste à tout le moins fascinant. Bouchard revient donc sur les débuts de ce symbole connu qui est avant tout un logotype pour une campagne britannique contre l’armement nucléaire, la CND (Campaign for Nuclear Disarmament). Le peace sign est d’ailleurs constitué des lettres C, N et D en alphabet sémaphore. Mais surtout, ce nouveau symbole doit son succès à sa portée universelle.
Effectivement, pour la première fois, on obtient avec le peace sign un symbole entièrement laïque (par opposition à la colombe chrétienne souvent utilisée avant les années 1960). Pour moi bien plus qu’une anecdote, la petite histoire du peace sign m’en fait apprécier maintenant plus encore la portée, car il inspire un monde où la paix est délibérément pour toutes et tous.
J’en retiens finalement une profonde inspiration de la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté (LIFPL). Cette association féministe de la première vague, qui existe encore aujourd’hui, portée d’abord par les Américaines Jane Addams (1860-1935) et Emily Green Balch (1867-1961) s’est impliquée dans le mouvement suffragettes, croyant fermement que le vote des femmes mènerait à des politiques plus pacifiques.
Si le lien étroit entre le droit de vote des femmes et la paix ne s’est pas avéré, la LIFPL a rapidement adopté le concept de « Paix positive ». Celui-ci présente une approche inclusive et holistique de la paix. Plutôt que de simplement chercher à mettre fin aux violences, la paix positive vise à éliminer les causes profondes des conflits en abordant les inégalités structurelles, les injustices sociales et les préjugés liés au genre.
Cette conception de la paix est criante de pertinence contemporaine à l’heure où les crises sociales se multiplient et la violence s’accroît. Il apparaît de plus en plus évident que militer pour la paix, c’est avant tout militer pour plus de justice.
Être pacifiste, enfin, serait pour moi avant tout un engagement envers la non-violence, démontrer une confiance en la diplomatie, mais surtout une mise en action pour la justice sociale autant chez nous qu’à l’international.
Être pacifiste, c’est prendre conscience que nos choix et nos actions locales ont des effets à l’échelle globale. Être pacifiste, aujourd’hui, c’est d’abord être conscientes et conscients de nos choix et ensuite tenter de faire les bons.