Mireille Pilotto, traductrice et réviseure – Mot à mot – Février 2021
La survie de nombreux organismes communautaires dépend en grande partie des subventions gouvernementales. Pour boucler leur financement, ces organisations comptent habituellement sur une collecte de fonds. Ou serait-ce plutôt une levée de fonds ?…
En effet, peut-on en français lever des fonds ? Eh bien, si le gouvernement peut lever des impôts, alors oui, le milieu communautaire, de même qu’une œuvre de bienfaisance ou qu’un organisme culturel, peut lever des fonds. Certains linguistes ont auparavant émis des réserves à l’égard de l’expression levée de fonds en la soupçonnant d’être un calque de l’anglais fund raising. Toutefois, actuellement, on reconnaît largement que levée de fonds est acceptable en français. De fait, le mot levée, dans le sens de « action de recueillir et son résultat », est attesté en français depuis le XIIIe siècle.
Maintenant, est-ce que le mot collecte est correct ? Tout à fait. Il signifie l’« action de recueillir des dons » ou celle « de réunir, de recueillir (des produits, des éléments) en vue d’un traitement ». Le verbe collecter peut aussi être employé dans ces mêmes sens. Par exemple, on organise une collecte de dons au profit d’un orchestre ; on collecte des vêtements d’hiver pour les itinérants ; la collecte des ordures se fait chaque semaine ; une chercheuse effectue une collecte de données sur le terrain.
Vous avez noté que le terme collecte ressemble beaucoup à son cousin cueillette, avec lequel on le confond souvent. C’est normal puisqu’ils comportent le sens commun de récolte ou de ramassage et qu’ils ont la même racine latine, soit collecta et colligere. Mais voilà, chacun de ces mots a sons sens propre, ou son territoire sémantique, pourrait-on dire. Ainsi, cueillette veut dire spécifiquement une « récolte de végétaux » ou le « produit de cette récolte ». Exemples : j’adore faire la cueillette des fraises ; la cueillette des champignons est devenue populaire cette année ; nous sommes revenus du verger avec une cueillette abondante. Il est donc impossible de faire la cueillette de données, de dons ou d’ordures puisque ce ne sont pas des végétaux !
Pour éviter l’écueil de la cueillette ou pour changer de la sempiternelle collecte, rien n’empêche de recourir à d’autres formulations : on peut lancer une campagne de financement, planifier une campagne de souscription (il s’agit précisément d’une collecte de fonds au profit d’une œuvre de bienfaisance), projeter de réunir des sommes ou des fonds, solliciter des donneurs et recueillir des dons. Ce ne sont que quelques « tournures » qui permettent de varier le vocabulaire – c’est encore ma marotte en 2021 ! – et d’enjoliver ainsi le paysage linguistique.
Sur ce, passez un bel hiver en collectionnant les bons moments dans la nature enneigée ! Ou en collectant les flocons pour les photographier ?…
Sources
- André Racicot, blogue Au cœur du français, « Collecter » : https://andreracicot.ca/collecter/.
- Office québécois de la langue française, Banque de dépannage linguistique, « Collecter » : http://bdl.oqlf.gouv.qc.ca/bdl/gabarit_bdl.asp?t1=1&id=1171 + « Cueillette et collecte » : http://bdl.oqlf.gouv.qc.ca/bdl/gabarit_bdl.asp?t1=1&id=2322.
- Office québécois de la langue française, Grand Dictionnaire terminologique, entrée campagne de financement: http://www.gdt.oqlf.gouv.qc.ca/ficheOqlf.aspx?Id_Fiche=8871687
- Multidictionnaire de la langue française, Marie-Éva de Villers, Québec Amérique, 2015 : entrées collecte et levée.
- Usito, dictionnaire québécois en ligne : entrée collecter: https://usito.usherbrooke.ca/d%C3%A9finitions/collecter#c08c.