Le printemps ramène les repas à la cabane à sucre… et les assemblées générales annuelles. Celles-ci sont certainement moins populaires que ceux-là, est-ce que vous secondez mon opinion ?
Même si je ne demande pas le vote sur ce sujet, votre soutien serait impossible dans ce cas. Effectivement, on peut seconder une personne, c’est-à-dire l’aider, l’assister ou l’épauler, mais il est incorrect en français de « seconder » une idée (c’est un anglicisme).
Ainsi, dans le contexte d’une assemblée ou de toute autre réunion, on dira plutôt qu’on appuie une proposition. La personne qui donne son appui à l’énoncé présenté n’est donc pas un « secondeur » (anglicisme), mais bien un second proposeur ou une seconde proposeuse. Les termes coproposeur et coproposeuse sont également appropriés.
Pour revenir à seconder, vous êtes-vous déjà demandé pourquoi les mots de cette famille – second, seconde, secondaire – se prononcent comme s’ils comportaient un g à la deuxième syllabe ? Voilà une particularité (ou une incohérence, selon le point de vue) du français, dont l’explication appartient à l’histoire.
Dérivé du latin secundus, le terme second s’est écrit de diverses façons au fil du temps : secund, secunt, secont, segund et, le plus souvent, segond, conformément à la diction la plus répandue. Au 18e siècle, l’Académie française, qui avait entrepris depuis 1634 d’uniformiser l’orthographe de la langue en France, a voulu implanter une graphie qui reflétait les racines latines du mot et a donc imposé le c. Toutefois, la prononciation n’a pas suivi cette décision, probablement parce qu’il est plus facile de dire « segond » que « second ».
Remarquez qu’en Espagne, on a opté plus simplement pour segundo – bien que ce mot soit issu de la même racine latine qu’en français –, tandis qu’en anglais ainsi qu’en italien on écrit et on prononce respectivement second et secondo. Ah ! La merveilleuse tour de Babel…
Sur ce, je vous souhaite des discussions constructives et harmonieuses pendant les assemblées générales et les réunions festives à la cabane à sucre auxquelles vous participerez. Bonne saison du renouveau !
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Sources :
- Banque de dépannage linguistique, Office québécois de la langue française, article « Vocabulaire à éviter relatif aux réunions » » : https://bdl.oqlf.gouv.qc.ca/bdl/gabarit_bdl.asp?t1=1&id=2872.
- Multidictionnaire de la langue française, Marie-Éva de Villers, éditions Québec Amérique, Montréal, 2015, p. 1596, entrée « seconder ».
- Usito, dictionnaire québécois en ligne, entrée « seconder », anglicisme critiqué : https://usito.usherbrooke.ca/d%C3%A9finitions/seconder#e276.
- Dictionnaire de l’Académie française, 9e édition, entrée « second » : https://www.dictionnaire-academie.fr/article/A9S0974.
CNRTL – Centre national de recherche textuelle et lexicale, onglet Lexicologie, entrées « seconder » et « second » : https://www.cnrtl.fr/definition/seconder, https://www.cnrtl.fr/etymologie/second.