Une étude menée récemment par des chercheurs de l’Université McGill arrivait à la conclusion que le Québec se situait en tête des provinces canadiennes en matière de lutte contre la pauvreté, cela en raison notamment de ses politiques sociales, plus généreuses qu’ailleurs. Dans la même veine, la mise à jour d’un ensemble d’indicateurs de bien-être par l’Organisation mondiale de coopération et de développement économique démontrait il y a peu que le Canada faisait mieux que la moyenne observée pour l’ensemble des pays.
Après ces bonnes nouvelles est arrivé le scandale des Paradise Papers, en particulier celui des fiducies canadiennes cachées aux Îles Caïmans et en Barbade. Des milliards et des milliards de dollars qui, bon an mal an, se mettent à l’abri de l’impôt. Ajoutons à cela les échappatoires fiscales dont profitent plusieurs catégories de professionnels ainsi que les passe-droits alloués à Netflix et autres multinationales du même acabit en ce qui concerne les taxes à la consommation. Signalons en passant que les individus appartenant à la catégorie du 1 % les plus riches ont encaissé une augmentation de revenus 3,5 fois plus élevée que les paliers inférieurs selon le relevé le plus récent de Statistique Canada.
Au moment où ces lignes sont écrites, le gouvernement du Québec prépare une révision de son plan de lutte contre la pauvreté. Un trio d’économistes chargés d’examiner différentes mesures pour améliorer la situation des plus démunis lui recommande d’écarter la possibilité d’instaurer un revenu minimum garanti, estimant que cela coûterait une fortune. À la place, ils suggèrent d’accorder une augmentation de 472 $ par an pour une personne seule et de 311 $ pour les familles. C’est à se demander qui est le plus sérieux en matière de lutte contre la pauvreté. Est‑ce que ce sont les utopistes qui rêvent d’une allocation universelle ou les experts qui proposent des miettes aux plus vulnérables ?
La cause devrait être entendue. L’argent est là… pour peu qu’on recouvre ce qui est dû, bien sûr ! Donc, puisque nous en avons les moyens, l’idée d’un revenu minimum garanti ou d’une allocation de base inconditionnelle pour tous n’est pas une fausse bonne idée comme le répètent doctement les penseurs néolibéraux. Au contraire. L’occasion de passer d’un régime de secours public à une convention de redevances citoyennes doit être saisie pour de bon. Qu’est‑ce à dire ?
C’est dire que chaque individu, en vertu de son statut de citoyen, est d’abord riche de l’estime que la communauté a pour lui. Et cette estime se traduit par les ressources qu’on lui donne pour mettre en valeur son plein potentiel de développement. À noter qu’il ne s’agit pas là d’une faveur ou d’un acte charitable. Pour le dire avec les mots de Jean-Paul Sartre, Il s’agit d’un droit consenti à tout homme fait de tous les hommes et qui les vaut tous et que vaut n’importe qui. L’allocation est universelle et inconditionnelle. Contrairement à l’aide sociale, elle ne conduit pas à l’inaction par crainte de représailles. En revanche, elle stimule l’effort personnel et encourage la prise d’initiatives car elle renforce le sentiment de confiance en soi et l’amour‑propre de chaque être humain.
La possibilité d’agir et le désir d’entreprendre étant à la portée de tous, il en résulterait une amélioration spectaculaire d’une foule d’indicateurs en matière de santé, de criminalité, de négligence envers les enfants, etc., d’où ressortirait un enrichissement social et économique inégalé. À ce rythme, un Noël sans pauvres serait envisageable. Comment peut-on bouder le projet de se donner une si belle réussite collective !