Par Diane Lemay, Tribune des lecteurs, mars 2017
Le dictionnaire britannique Oxford a ajouté à son édition 2016 le terme « post-truth », en français « post-vérité ». Cette définition réfère à des circonstances dans lesquelles les faits objectifs ont moins d’influence pour modeler l’opinion publique que les appels à l’émotion et aux opinions personnelles.
Les événements ré- cents tels que le Brexit et l’élection de Donald Trump témoignent de la nécessité de ce nouveau terme pour décrire le phénomène. C’est sciemment que des personnalités politiques et publiques fabriquent de fausses nouvelles.
Au Canada, nous avons vu Stephen Harper, peu à peu, occulter des faits, évincer des scientifiques et tenter de contrôler les médias. Le nouveau prési- dent américain navigue dans les mêmes eaux troubles.
Aux Grands Reportages de Radio-Canada dans l’épisode L’Étoffe du nouveau président, Donald J. Trump affirme que la vérité ne signifie pas grand-chose. Il allègue que si on répète souvent une idée, les gens finissent par y croire. À preuve, nous avons assisté à tout un ta- page médiatique en comparant le nombre de personnes assistant à son investiture et à celle de Barack Obama. Sean Spicer, porte-parole et directeur de la communication de la Maison-Blanche, a osé rectifier les chiffres rapportés par les médias. Il existe maintenant ce que l’administration Trump nomme les faits alternatifs.
Les invasions barbares
Des siècles d’avancées scientifiques nous démontrent que les faits constituent le moyen privilégié pour comprendre notre réalité. Ils peuvent être vérifiés. Les faits restent les faits! Ils ne sont ni de gauche ni de droite.
Que se passe-t-il quand les faits ne comptent plus? Quand les gens ne font plus confiance aux médias, et quand on ne croit qu’en sa propre vérité?
Le monde tel qu’on le connaît serait-il en voie de disparition? Envahi par le populisme? Incursion des émotions et décharges d’agressivité et de haine sont étalées au grand jour dans les médias et sur les réseaux sociaux. J’ai comme image l’invasion des tribus barbares dans la Rome ancienne.
Dans la dernière campagne électorale fédérale, j’ai pu observer comment le terme « burka » a fait fondre l’avance du NPD. Comprendre un contexte et expliquer des faits exige du temps. L’émotion, elle, se traduit en un clic, un mot ou 140 caractères. Comment expliquer les changements climatiques ou un ensemble de faits complexes en quelques mots seulement?
Barak Obama, dans son discours d’adieu du 10 janvier dernier, identifiait comme 3e menace à la démocratie la négation des faits et l’enfermement intellectuel. Il a souligné que la politique est avant tout « une bataille d’idées ». Il a rappelé que le débat démocratique consiste à « hiérarchiser des objectifs » et à formuler « les différents moyens de les atteindre ». Un tel débat ne peut se dérouler sainement « si on n’est pas prêt à admettre des informations nouvelles et à concevoir que son adversaire peut émettre un point de vue juste » ou que « la science et la raison comptent ».
C’est inquiétant.
Comment résister ?
Résister par la promotion et le financement de la recherche scientifique. La reconnaissance publique de la science comme moyen privilégié d’approcher la réalité.
Résister en encourageant financièrement nos médias d’information crédibles. Soutenir le journalisme d’enquête. La crédibilité de l’information se trouve au cœur du fonctionnement démocratique.
Résister par l’éducation. Apprendre à réfléchir, à développer ses idées en se basant sur des points de repère solides comme la science, les faits et les droits de la personne.
Ils découlent de l’expérience humaine des derniers siècles et de ses dérives, particulièrement celles des guerres et des génocides.
Sources
http://ici.tou.tv/les-grands-reportages/S2017E10?lectureauto=1