Alex Dorval – mars 2020
Le fémicide ou féminicide (meurtre d’une femme, d’une fille en raison de son sexe) se produit principalement dans un contexte de relation intime ou de prostitution. Dans les faits, l’auteur du meurtre conjugal est plus souvent qu’autrement, un homme en relation actuelle ou passée avec sa victime, ou client dans les cas de prostitution. Ses motifs seraient majoritairement à caractère sexuel ou de domination en lien avec le genre de sa victime.
De l’analyse à la prévention
L’organisation mondiale de la santé (OMS) insiste dans son rapport sur le fémicide : « il faut réduire la violence dans les relations intimes, atténuer les risques liés à la dissolution d’une relation, durcir les lois sur les armes à feu et sensibiliser le grand public à la violence faite aux femmes ». Certains pays comme l’Espagne vont jusqu’à prendre des mesures d’intervention pragmatiques en mettant en place des tribunaux spécialisés en violence envers les femmes ou encore en faisant porter des bracelets anti-rapprochement aux conjoints accusés de violence conjugale, accusation pouvant provenir non seulement de la victime, mais aussi du milieu d’intervention ou d’un proche. Le Canada ferait pour sa part figure de proue en matière de formation policière, de concertation des divers secteurs d’intervention et de dépistage des facteurs de risque.
Identifier les facteurs de risque
L’Observatoire canadien du fémicide pour la justice et la responsabilisation (OCFJR) a pour mission de collecter et d’analyser les données sur le fémicide dans une optique de promotion des méthodes préventives dans les cas d’assassinats basés sur le genre. Selon le rapport de prévention de l’organisme, diffusé sur leur site, il faut avant tout s’attaquer aux inégalités structurelles et aux stéréotypes véhiculés dans notre société puisque ces rapports de force et ces croyances populaires se traduiraient de façon concrète en facteurs de risque identifiables au sein des sphères communautaires, relationnelles et intimes des victimes.
Les structures organisationnelles contribuant à la subordination des filles et femmes aux hommes en milieux scolaires, au travail, dans les organisations politiques et autres lieux ainsi que la tolérance des stéréotypes genrés et les discours cultivant une idéologie patriarcale sont identifiées par l’OCFJR comme les bases sur lesquelles se sont construits, se répètent et se banalisent les actes de violence envers les femmes.
Un profil se dessine
Dans le guide d’intervention Preventing Domestic Homicide of Women publié en 2004 par la Fédération des maisons d’hébergement pour femmes (FMHF), les auteurs dégagent un profil biographique et comportemental du conjoint ou ex-conjoint meurtrier.
En tête de liste, un historique de violence conjugale ou de harcèlement sexuel de la part de l’homme dans la relation actuelle ou dans le passé est un fait récurrent chez les hommes ayant assassiné une femme. Filature, harcèlement et menaces forment le trio toxique qui permet également de discerner l’homme jaloux et susceptible de commettre un crime à l’endroit de sa partenaire. Les menaces suicidaires et menaces envers les enfants pour faire du chantage dans le but de maintenir ou de rétablir la relation sont aussi extrêmement fréquentes. On constate aussi que 75 % des familicides sont commis dans une situation de séparation imminente ou récente. D’autres éléments tels que le stress financier et la possession d’armes à feu dans le foyer ajoutent aux risques qu’un homme répondant au profil passe à l’acte irréparable.
Signaux d’alarme
Les signaux d’alarme que les femmes victimes de violence, leurs proches et les personnes intervenantes doivent observer sont multiples. Il peut s’agir au début de simples messages ou d’appels répétitifs demandant à quelle heure la femme entre ou encore avec qui elle se trouve. Des premiers signes de violence psychologique ou de bousculade sont aussi précurseurs d’une montée de la violence au sein de la relation.
Lorsque la rupture est sur le point de survenir, que la violence s’intensifie et que le partenaire passe aux menaces en série – parfois armées –, tous les facteurs sont réunis et le recours aux policiers ou aux centres d’hébergement s’impose immédiatement.
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Sources:
L’Observatoire canadien du fémicide pour la justice et la responsabilisation :https://www.femicideincanada.ca/fr/pr%C3%A9venir
Rapport sur le fémicide de l’OMS :https://www.who.int/reproductivehealth/publications/violence/rhr12_38/fr/
Statistiques sur l’homicide au Canada, 2017 https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/85-002-x/2018001/article/54980-fra.htm
https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/85-002-x/2018001/article/54980/tbl/tbl09-fra.htm
Preventing Domestic Homicide of Women: An Intervention Guide, Centre de recherche interdisciplinaire sur la violence familiale et la violence faite aux femmes, mars 2004 https://www.criviff.qc.ca/sites/criviff.qc.ca/files/publications/pub_108.pdf
« La mobilisation des Françaises contre les féminicides », Le Devoir, 11 janvier 2020 https://www.ledevoir.com/societe/570516/societe-la-mobilisation-des-francaises-contre-les-feminicides
« Pour que ça bouge », Rima Elkouri, La Presse, 30 janvier 2020 https://www.lapresse.ca/actualites/202001/29/01-5258838-pour-que-ca-bouge.php
« Féminicide : 87 000 femmes tuées de manière intentionnelle en 2017 », AFP, Journal de Montréal, 19 novembre 2019 https://www.journaldemontreal.com/2019/11/19/feminicide-un-fleau-mondial-et-persistant
« Féminicide : en Espagne, un modèle contesté par l’extrême-droite », AFP, Journal de Montréal, 19 novembre 2019 https://www.journaldemontreal.com/2019/11/19/feminicides-en-espagne-un-modele-conteste-par-lextreme-droite
ONU Femmes, France, mars 2018 https://www.onufemmes.fr/nos-actualites/2019/11/25/feminicides-etat-des-lieux-de-la-situation-dans-le-monde