On évoque souvent que les Québécois sont trop imposés ou qu’ils vivent dans un enfer fiscal. Quand on examine la situation de plus près, on s’aperçoit que notre système fiscal n’est pas à sens unique et qu’il constitue un important levier économique et social.
Selon l’Institut Fraser, les Québécois sont les plus imposés au Canada. En 2014, l’Institut évaluait qu’une famille moyenne versait 42 % de son revenu en taxes, impôts et cotisations sociales (assurance-chômage, etc.). Et pour impressionner davantage, l’Institut soulignait que les impôts des Québécois ont augmenté de 1832 % depuis 1961.
Lancer de tels chiffres relève de l’absurde, car ces données ne montrent qu’un seul côté de la médaille. Oui, les impôts payés ont augmenté depuis 1961, mais les remboursements d’impôt et les services publics aussi.
En effet, notre système fiscal retourne une bonne partie des impôts payés à toutes les catégories de citoyens, sous forme de crédits d’impôt et d’exemptions fiscales. Selon le Centre canadien de politiques alternatives, le CCPA, les mesures d’allégements fiscaux représentent 41 % de tous les impôts payés au Canada.
À l’échelle québécoise, l’Institut de recherche sur l’économie contemporaine (IREC) a calculé que les citoyens reçoivent en moyenne 7700 $ en déductions fiscales et crédits d’impôt, de sorte que la charge fiscale nette des Québécois ne représente que 24 % de leur revenu.
Non seulement les impôts sont redistribués sous forme d’allégements fiscaux, mais ils permettent également aux familles de recevoir des services publics (éducation, santé, sécurité, etc.). Les familles québécoises reçoivent en moyenne plus de 35 000 $ par année en services publics de la part de tous les paliers de gouvernement.
Grâce à l’impôt, nous recevons davantage de services, car les biens et les services publics coûtent moins cher par personne que s’ils étaient offerts à chaque individu sur le marché privé. La raison est fort simple : les achats collectifs et les services publics standardisés permettent de réaliser d’importantes économies d’échelle.
Et même si notre système fiscal est moins progressif qu’autrefois, il l’est encore, car 60 % des ménages québécois obtiennent plus en services de l’État que ce qu’ils paient en impôts, taxes et contributions diverses.
Faire une déclaration de revenus s’avère payant pour la grande majorité des contribuables et plus particulièrement pour les personnes gagnant moins de 40 000 $. Par exemple, une mère monoparentale d’un jeune enfant qui gagne 20 000 $ par année peut recevoir jusqu’à 8 000 $ en prestations fiscales diverses (soutien aux enfants, allocation de logement, crédit d’impôt de solidarité, etc.).
Bien sûr, notre système fiscal n’est pas parfait. Depuis une vingtaine d’années, les gouvernements ont multiplié les exemptions fiscales destinées aux mieux nantis, rendant notre système fiscal moins progressif.
Récemment, le CCPA a calculé que la très grande majorité des 103 milliards $ retournés aux Canadiens profitaient aux mieux nantis et que seulement 8 des 64 allégements fiscaux étaient destinés aux plus démunis. À titre d’illustration, la déduction fiscale pour les options d’achat d’actions fait perdre 740 millions $ à Ottawa et la déduction pour gains en capital (réalisés à la bourse) prive le gouvernement de 3,8 milliards $.
Le problème n’est donc pas tant l’impôt payé que sa distribution entre les diverses catégories de citoyens (individus et corporations). Comme quoi certaines idées reçues ne tiennent pas la route quand on y regarde de plus près.
Sources :
Nicolas Zorn, Portrait des revenus et de la redistribution fiscale au Québec, IREC, Janvier 2015.
Centre canadien de politiques alternatives, Canada’s quiet bargain: the benefits of public spending, Avril 2009.
Hélène Buzzetti, Des crédits d’impôt surtout pour les riches, Le Devoir, 6 décembre 2016.