Voir le monde autrementValérie Boucher, Comité de Solidarité/Trois-Rivières, mars 2021

Les événements des derniers mois ont amené un grand vent de changement mondial et le Québec n’y échappe pas. À l’approche de la journée internationale des femmes, il est important de soulever que celles-ci se retrouvent à la tête de bon nombre de mouvements actuels. Ces femmes qui semblent avoir une compréhension particulière des systèmes d’oppressions et des solutions pour les démanteler sont souvent celles qui vivent non seulement du sexisme, mais également du racisme, de l’homophobie, de la transphobie, de la grossophobie, et j’en passe. C’est d’ailleurs pourquoi leur parole et leur point de vue sont si importants.

Toutefois, c’est sans surprise qu’on assiste à une réticence à l’égard de leurs revendications, telles la réappropriation du corps de la femme et de sa sexualité par les réseaux sociaux, ou encore la décriminalisation complète du travail du sexe. Il semble que bien des femmes, elles-mêmes, soient confuses ou irritées par les cris du cœur de leurs consœurs. On y décèle l’héritage de siècles de misogynie et de sexisme intériorisés. Ainsi, le mépris et les jugements qui caractérisent le sexisme ordinaire envers les femmes dans notre société patriarcale sont souvent assimilés de manière inconsciente chez celles-ci. Notons, par exemple, la situation des dernières semaines où l’humoriste et animatrice Marie-Lyne Joncas est critiquée pour ses propos dans le podcast What’s up, animé par Jerr Alain. Celle-ci émettait son opinion sur les femmes qui montrent leur corps sur les réseaux sociaux : « C’est plate, parce que ça parait femme objet. » De tels propos mettent en lumière l’hypersexualisation des femmes, « phénomène par lequel les médias donnent un caractère sexuel […] à un comportement qui n’a rien de sexuel. » Ainsi, la misogynie intériorisée se manifeste par le fait de croire que certains vêtements ou comportements sont fondamentalement sexuels et répressibles. Il incomberait à la femme de porter le poids du manque de respect qu’on pourrait lui témoigner.

agressions

« Il semble que bien des femmes, elles-mêmes, soient confuses ou irritées par les cris du cœur de leurs consœurs. On y décèle l’héritage de siècles de misogynie et de sexisme intériorisés. » – Valérie Boucher Crédits: Valérie Boucher

La misogynie et le sexisme intériorisés au quotidien, c’est aussi d’être dégoûtée par son propre poil ou par celui des autres femmes. C’est juger une femme pour le nombre de partenaires sexuel(le)s qu’elle a eu(e)s, ou encore considérer que d’avoir un(e) partenaire sexuel(le) en dehors d’une relation amoureuse est nécessairement un manque de respect envers soi-même. C’est d’aller à la piscine en cours d’éducation physique et d’être honteuse de porter un maillot de bain de sport dans lequel on peut distinguer les mamelons. C’est également s’interdire de porter ce qu’on désire, parce qu’on se considérerait tentatrice. C’est s’excuser de manière excessive, se forcer à sourire, ou encore s’empêcher de prendre la parole parce qu’on pourrait être traitée de folle. Collectivement, la misogynie et le sexisme intériorisés imposent une ambiance de compétition entre les femmes. En effet, la société perpétue encore les attentes que celles-ci se trouvent rapidement un partenaire pour être accomplies et fonder une famille. Elles ont longtemps dû être les plus belles, les plus gentilles, les meilleures candidates. Elles sont amenées à se comparer, en voyant constamment l’autre comme une menace. Pourtant, cette compétition n’a plus lieu d’être. Le fait que les autres brillent dans toute leur lumière ne devrait en aucun cas nous empêcher de briller dans la nôtre.

Pendant que ces mécanismes sournois nous donnent l’illusion de nous protéger contre le jugement d’autrui, ils nous empêchent de vivre notre existence à sa plus pure et formidable expression. Le temps est à l’introspection : Nos pensées envers nous-même et autrui sont-elles ancrées dans la bienveillance, le jugement ou même la peur? C’est par ces questionnements que nous retrouverons une douce complicité entre toutes les personnes s’identifiant comme femme, et dont l’expérience de la féminité est aussi magnifique que variée. En l’honneur de la journée internationale des femmes et pour les temps à venir, je nous souhaite à tous et à toutes des introspections bienveillantes, des réflexions révélatrices et une inébranlable solidarité.

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