Réjean Larocque, juin 2017
En 1952 paraissait Mauricie d’autrefois aux éditions du Bien Public de Trois-Rivières, maison dirigée à l’époque par l’abbé Albert Tessier, qui a lui-même édité les travaux manuscrits de Thomas Boucher.
L’éditeur parle de Thomas Boucher, âgé de 77 ans au moment de la parution de son livre, comme d’un « autodidacte exceptionnel et d’un vieillard dont le labeur intellectuel peut être cité en exemple aux chercheurs », en ajoutant que « le texte actuel est conforme à 99 % au manuscrit remis par l’auteur»[1]. De plus, les notes biographiques demandées par l’éditeur sont apparues tellement « savoureuses » à celui-ci qu’il les a reproduits sans en changer un iota. Le texte qui suit s’en inspire largement.
Né en mai 1875 à Saint-Boniface-de-Shawinigan, Thomas Boucher fréquente l’école du rang jusqu’à 13 ans sans toutefois pouvoir cumuler plus de 12 mois de présence à cause des rudes conditions de vie d’alors.
En 1888, c’est l’exode de la famille vers les États-Unis, à Manchester (New Hampshire). Thomas entre immédiatement comme apprenti dans une filature où il passera 17 années.
Le jeune Thomas s’acharne, durant cet exode, à parfaire son éducation par la lecture de ses manuels de géographie et d’histoire du Canada. Il s’inscrit également à l’École publique du soir pour s’initier surtout à la prononciation de l’anglais. Sans encadrement véritable, il poursuit l’enrichissement de son vocabulaire au moyen d’un dictionnaire Webster dont il fait son livre de chevet durant des années. Liseur infatigable, il tombe sur un article de Benjamin Sulte traitant de l’importance de la grammaire dans l’apprentissage des langues. Sans autre assistance que des manuels de grammaire, il assimile alors les règles du français et de l’anglais. Tout lui paraît alors si facile que ce bougre d’homme apprend également les grammaires latine, allemande, italienne et espagnole, au point de pouvoir lire toutes ces langues.
Thomas Boucher revient au Québec en 1905, les malles chargées de livres d’histoire de toutes sortes. Il épouse Eulodie Caron en 1908, union d’où naîtront 11 enfants. Pour leur éducation, il trime dur comme charpentier-menuisier, métier qu’il exerce à Montréal, Shawinigan et bien sûr à Grand-Mère, son patelin. C’est là qu’en 1936 il se met à compiler des tonnes de notes sur l’histoire de Grand-Mère.
Selon Albert Tessier, cette imposante collection de cahiers manuscrits aurait aisément constitué une monographie de plusieurs centaines de pages, mais ce travail n’a pu être poursuivi après 1952. Dans Quand Grand-Mère était jeune, publié en 1999, Florence Lawless-Lacroix souligne que même Marguerite Boucher, fille de Thomas, n’a pu lui fournir un exemplaire de ce livre, qui n’a sans doute jamais été réalisé. Thomas Boucher est décédé le 13 septembre 1958 à St-Paul de Grand-Mère.
Mauricie d’autrefois demeure un ouvrage passionnant, chaleureux et profondément humain. La narration parfois candide n’en demeure pas moins l’expression savamment articulée d’expériences personnelles de l’auteur au cœur d’événements et au contact de personnages qui ont fait notre histoire. Thomas Boucher, extraordinaire autodidacte, a démontré plus de finesse, de compétence et de curiosité intellectuelle qu’il n’en faut pour être admis au cercle des « historiens patentés ».
[1] Mauricie d’autrefois, Introduction