Carol-Ann Rouillard, mai 2019
On dit souvent que cette remise en cause de l’efficacité des vaccins a débuté avec la publication d’une étude – démentie à plusieurs reprises – qui établissait un lien entre les vaccins et l’autisme. Et si les institutions médicales – et plus spécifiquement les stratégies communicationnelles adoptées par celles-ci – avaient elles aussi un rôle à jouer dans la « crise de confiance » à l’égard des vaccins ?
Vaccins et vérité
D’un côté, la stratégie des gouvernements est d’avoir recours aux connaissances scientifiques. En citant nombre d’études qui démontrent la pertinence de la vaccination et qui déboulonnent des mythes et des fausses croyances, les autorités espèrent convaincre les parents qu’il s’agit de la seule option responsable à adopter. Le message sous-jacent est qu’il faut à tout prix faire vacciner ses enfants et que tous les doutes et questionnements que l’on pourrait avoir à l’égard des vaccins sont complètement infondés.

Les institutions médicales devraient-elles revoir leurs stratégies de communication afin de rassurer le public concernant les vaccins ?
Crédits : US Air Force/Senior Airman Areca T. Wilson
Mais qu’arrive-t-il quand on ne sent pas que le discours de ces autorités répond bien à nos préoccupations ? Qu’il subsiste des craintes ? Plusieurs choisissent de se renseigner ailleurs, d’échanger avec des personnes qui ont les mêmes questionnements. Il est normal de vouloir obtenir des réponses à nos questions et de sentir qu’une personne est à l’écoute de nos préoccupations. Après tout, c’est quand même du bien-être de nos enfants et des gens qui nous entourent dont il est question !
L’« autre » vérité
Qu’arrive-t-il ensuite à la personne qui a commencé à se questionner, à lire, à élargir son avis ? Les risques d’autisme deviennent ainsi un petit point au bas d’une liste d’une série d’inquiétudes et de préoccupations. Elle s’inquiète de voir que les compagnies pharmaceutiques, possédées par des multinationales, tirent d’immenses profits des campagnes de vaccination financées par le budget des citoyens moyens. Elle met en doute la véracité des études scientifiques parce que ces mêmes compagnies pharmaceutiques financent aussi les institutions universitaires qui font ces recherches – faute de financement adéquat de l’État, les institutions sont forcées de se tourner vers le privé.
Cette personne se questionne également quant à la réelle objectivité des autorités de santé sur la vaccination. On entend bien souvent parler d’agronomes payés par des compagnies pour vendre leurs herbicides alors qu’ils sont censés conseiller objectivement les gens du milieu agricole. Peut-être est-ce aussi le cas quelque part dans la chaine décisionnelle du milieu de la santé…
Une question de communication
Qu’on trouve ces raisonnements logiques ou non, ils existent et sont partagés par plusieurs personnes anti-vaccins. Non seulement les gens remettent en question l’efficacité des vaccins, mais ils se mettent à douter de l’ensemble du système. C’est connu pourtant, en communication, que le discours alarmiste et autoritaire fonctionne un temps seulement avant de donner lieu à des positions opposées. Parce que de se faire répéter qu’on a tort de penser comme on le fait et que nos croyances sont fausses n’a jamais fait changer d’idée à qui que ce soit. Pourquoi alors s’acharner à maintenir la ligne dure ?
Heureusement, certaines initiatives et des projets pilotes visent à faire les choses autrement. À Sherbrooke et à Montréal, par exemple, on a mis en place des initiatives qui consistent notamment à rencontrer les parents et à créer un espace de dialogue pour les aider à prendre leur décision. Et les résultats sont là ! La preuve que tout est bien souvent une question de « comment » plutôt qu’une question de « quoi ».