Lors d’une rencontre tenue le 8 juin, l’anthropologue de la communication Yves Winkin, venu présenter son dernier essai Ré-inventer les musées ?, qualifia le Musée Boréalis de « très réussi », de quoi donner envie de le visiter afin de succomber à son enchantement.
Se tenait, le 8 juin dernier, une causerie-conférence avec Yves Winkin, organisée par Culture Mauricie et l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), qui avait pour thème les musées et leur réinvention. La rencontre, animée par Christian Bouchard, avait lieu dans la chapelle du Musée des Ursulines. Ce petit joyau patrimonial, qui ne manqua pas d’émerveiller le public, convenait parfaitement au sujet de la discussion.
Yves Winkin est professeur émérite de l’Université de Liège en Belgique et fut de 2015 à 2019 professeur au Conservatoire national des arts et métiers de Paris. C’est à cette occasion qu’il dirigea le musée du même nom, fondé en 1794, maintenant considéré comme l’un des départements de l’université. Yves Winkin est notamment reconnu pour avoir développé une anthropologie de la communication.
Ayant grandement influencé la création du baccalauréat en communication sociale de l’UQTR, qui célèbre cette année ses 25 ans, Yves Winkin s’est vu remettre un doctorat honoris causa le 9 juin dernier, principale raison de sa venue à Trois-Rivières. Par ailleurs, ce fut également l’occasion pour le professeur de tenter de répondre à la question qu’il pose dès le titre de son essai, paru en 2020 aux éditions MkF : « Ré-inventer les musées ? »
Créer un effet d’enchantement
À l’origine de ce livre, il y a une frustration contenue durant quatre ans. En arrivant, « presque naïvement » à la direction du Musée des arts et métiers de Paris, comme le dit lui-même Yves Winkin, il était enthousiaste et proposait toutes sortes d’idées pour revigorer la vie du musée. Toutefois, il se heurta rapidement à l’opposition des membres de son équipe qui refusèrent, une à une, toutes ses propositions. « Ce livre, dit-il, c’est mon exutoire. Quand je suis parti à la retraite, je me suis lâché et j’ai tenté d’imaginer comment nous pouvions réinventer les musées ».
Dans son essai, Yves Winkin propose douze rituels, sous forme de récit, pour repenser le système des musées et leurs missions. « Un rituel, c’est un décadrage dans la vie ordinaire qui vous fait subitement apercevoir la vie comme extraordinaire. Puis, le recadrage se remet en place et la vie redevient ordinaire, mais grâce à ce passage par un rituel, la réalité vous paraît légèrement différente. C’est cet effet que j’ai voulu produire dans mon ouvrage. » En d’autres mots, pour Yves Winkin, la réinvention des musées passe par la création d’un effet d’enchantement. D’après sa pensée, les musées devraient offrir un équilibre entre récit historique et poésie et ainsi attirer davantage les visiteurs. Il faudrait décloisonner les musées, les rendre plus inclusifs et invitants. Cela pourrait passer, notamment, par l’intégration d’animaux dans les salles d’expositions ou encore par le déguisement des visiteurs.
Boréalis : un exemple
Alors que Christian Bouchard demandait à Yves Winkin comment la notion d’enchantement pouvait aider les directeurs et responsables de musées à créer une meilleure communication entre eux et la collectivité, celui-ci répondit en donnant l’exemple du Musée Boréalis, qu’il complimenta par la même occasion.
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Pour Yves Winkin, qui avait visité le musée trifluvien la veille de la rencontre, « ce musée réussit un très beau travail d’engagement, d’invitation à l’enchantement. Cela aurait pu être un musée totalement angoissant, il s’agit au fond de l’histoire d’un écroulement, d’une usine qui disparaît. Et pourtant, la manière dont le récit est conduit vous permet de sortir du musée en vous sentant bien. Il a fallu conduire très subtilement un récit et la subtilité vient du fait que vous êtes en permanence en interaction avec des gens qui vous parlent, qui vous racontent leur vie. »
Voilà de quoi donner envie de visiter, ou revisiter, un musée qui a de quoi rendre fiers les Trifluviens.