Le Grand Splash, une mobilisation citoyenne pour l'accès public aux plans d'eau s'est tenu au centre Plein Air Ville-Joie à Trois-Rivières le 2 juillet. - Photo : Stéphanie Dufresne

Le territoire de la Mauricie comprend des milliers de lacs et de nombreuses rivières. Pourtant, accéder gratuitement à un site de baignade naturel dans la région est un défi. En contexte de réchauffement climatique, qu’attendons-nous pour élargir l’accès public aux plans d’eau ? 

Les résidents de Sainte-Thècle sont choyés : le parc Saint-Jean-Optimiste, au cœur du village, se trouve aux abords du Lac-Croche et comprend une plage accessible gratuitement à toute la population. Cet attrait indéniable fait même partie des éléments qui motivent l’arrivée de nouveaux résidents. C’est le cas pour Andrée-Ann Cloutier et François Cyr, pour qui cet élément est entré en ligne de compte dans leur décision de s’installer à Sainte-Thècle : « Lorsque des amis de l’extérieur viennent nous rendre visite, ils nous envient ! On est vraiment chanceux d’avoir accès à ce plan d’eau, c’est un avantage qui n’est pas offert dans toutes les municipalités » ont-ils constaté.

Au Québec, l’article 919 du Code civil stipule que « le lit des lacs et des cours d’eau navigables et flottables, jusqu’à la ligne des hautes eaux » est propriété de l’État. C’est donc une richesse non privatisée, qui nous appartient à tous. Toute personne aurait donc le droit de circuler sur les cours d’eau et les lacs du Québec, à la condition d’y avoir légalement accès. Or les points d’accès aux plans d’eau de la Mauricie sont peu nombreux par rapport au grand nombre de lacs et de rivières sur le territoire.

Par exemple, sur les 38 lacs du territoire de Saint-Élie-de-Caxton, il n’y a qu’un seul accès à la baignade ouvert au public, sur un site privé (payant). À Saint-Mathieu-du-Parc, la municipalité gère un accès public à la rivière Shawinigan mais aucun accès municipal n’est offert sur les 83 lacs de son territoire. Même constat à Saint-Alexis-des-Monts qui n’offre pas d’accès public municipal pour la baignade sur son territoire qui comprend plus de 600 lacs. Donc, à moins d’avoir des amis riverains, il n’est pas si facile d’accéder gratuitement à un plan d’eau naturel dans la région.

Mobilisation citoyenne pour l’accès aux plans d’eau à Trois-Rivières 

C’est le message que souhaitent passer les organisateurs du Grand Splash de Trois-Rivières, un événement qui a eu lieu le 2 juillet dernier aux abords du Lac St-Pierre. A cette occasion, une vingtaine de participants se sont baignés dans le lac Saint-Pierre au centre Plein-air Ville Joie. Cette action nationale de sensibilisation, mise en place par la Fondation Rivières, s’est aussi tenue dans 9 autres lieux à travers le Québec.

En Mauricie, l’événement était organisé par Mobilisation Climat Trois-Rivières. « Au Québec on est entouré d’eau, mais souvent les berges sont soit privatisées, soit que la qualité de l’eau n’est pas au rendez-vous et il y a d’autres raisons, comme des courants très forts, pour lesquelles les gens n’y ont pas accès » explique Joyce Renaud, présidente de l’organisation. Elle souligne entre autres que la capacité d’accueil maximale de la plage de l’île Saint-Quentin est de 300 personnes, alors que la population de Trois-Rivières avoisine les 138 000 personnes. « C’est insuffisant, dit-elle, en plus de nécessiter de longs déplacements pour les citoyens des secteurs plus éloignés comme Pointe-du-Lac ou Saint-Louis-de-France. Il y a pourtant de la place dans la région pour réaliser des aménagements de berges respectueux de l’environnement et sécuritaires qui permettraient aux gens d’accéder à des endroits plus près de chez eux pour se baigner. »

Grand Splash, Lac Saint-Pierre, 2 juillet 2021 – Photo : Stéphanie Dufresne

Pour Frédéric Ménagé, militant au sein de l’organisation citoyenne Mouvement bleu et membre du conseil d’administration de la Fondation Rivières, la multiplication des accès aux berges apporte aussi de nombreux bénéfices, notamment sur le plan de la sensibilisation à préserver la qualité de l’environnement naturel et humain : « on peut, par exemple, conscientiser les gens à la présence d’espèces sensibles à proximité des berges par des affiches aux points d’accès. Le simple fait de bien définir ou se trouve un accès à l’eau évite que les usagers passent à des endroits qui dérangent les riverains, on crée alors une situation plus harmonieuse pour tout le monde » soutient-il.

Selon Mobilisation Climat Trois-Rivières, la plage du centre Plein-Air Ville Joie est un site qui mérite d’être connu en raison de sa beauté et de sa proximité pour la population de Trois-Rivières. Le seul frein semble être la perception d’une mauvaise qualité de l’eau : « parfois, les gens n’osent pas s’aventurer dans le lac Saint-Pierre. La ville de Trois-Rivières pourrait contribuer en réalisant des tests quotidiens avec des appareils à analyse rapide des paramètres de qualité de l’eau » estime Joyce Renaud.

Une mesure d’adaptation aux changements climatiques

Les récentes fuites médiatiques sur les conclusions du prochain rapport du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) ne sont guère rassurantes : les changements climatiques arrivent plus vite que prévu. Les deux canicules printanières au Québec et les multiples décès attribuables à des chaleurs extrêmes en Colombie-Britannique à la fin juin laissent présager de ce qui nous attend dans les prochaines années.

L’accès restreint aux plans d’eau est difficilement conciliable avec les nécessaires mesures qui doivent rapidement être mises en place pour nous adapter aux changements climatiques. Nous ne sommes pas toutes et tous égaux devant les effets de la crise climatique. Les personnes à plus faibles revenus ont généralement moins d’accès à des espaces climatisés, à une piscine ou à des parcs urbains ombragés dans leur quartier. En contexte de réchauffement du climat, toute la population devrait pouvoir bénéficier, pour se rafraîchir, de ce patrimoine collectif que sont nos plans d’eau.

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