Photo : Dominic Bérubé
Selon Patrick de Bellefeuille, présentateur et expert en changements climatiques à MétéoMédia, une chaîne de télévision canadienne spécialisée dans les prévisions et les informations météorologiques, on assiste depuis une vingtaine d’années à une augmentation continue des vagues de chaleurs extrêmes au Québec. D’ici 2080, les prévisions de Santé Canada indiquent que le nombre de journées où la température atteindra 30°C ou plus triplera dans plusieurs villes canadiennes. Lors de telles chaleurs, il existe plusieurs moyens de se rafraîchir, par exemple la baignade. Or, à Trois-Rivières, la vétusté de deux importantes piscines extérieures, soit la piscine de l’Exposition et celle du parc de l’Île-Saint-Quentin, force leur fermeture pour tout l’été pour des raisons de rénovation et de reconstruction. Plusieurs familles, personnes sportives et associations s’inquiètent des répercussions sociales de ces fermetures.
L’offre de piscines à Trois-Rivières
Cet été, cinq piscines et pataugeoires seront à la disposition des citoyen-nes à Trois-Rivières. Pour Frédéric Laurin, professeur d’économie à l’UQTR et membre du regroupement citoyen Mobilisation citoyenne – Pour une « offre piscine » pour tous à 3R (Comité d’action aquatique de Trois-Rivières, CAA3R), déjà en 2023 l’offre était insuffisante. Il s’était alors penché sur la question en analysant le nombre de piscines intérieures par habitant-e à Trois-Rivières et ailleurs, et il a établi un portrait de la situation et formulé des recommandations basées sur ses résultats.
D’une part, en comparaison avec d’autres villes de taille moyenne, l’économiste a relevé que Trois-Rivières possède le moins de piscines par habitant-e. D’autre part, il a fait valoir que les piscines intérieures constituaient un « équipement multisports qui répond à des besoins divers et nombreux », comme la nage sportive, les cours de natation et la réhabilitation physique.
En conclusion, il affirme dans son document que « l’offre de piscines fait partie des services de base aux citoyens » et que la Ville de Trois-Rivières doit se doter d’un plan stratégique pour les années à venir. Bien que le rapport de Frédéric Laurin se concentre uniquement sur les piscines intérieures, le CAA3R présente sensiblement les mêmes arguments pour les piscines extérieures.
Un été chaud et humide en vue
Pour l’été 2024, on annonce de la chaleur et de la pluie, un été somme toute humide selon des analyses préliminaires. En 2018, ce sont 210 personnes qui sont décédées à cause des grandes chaleurs. En 2020, on en dénombrait 149 selon l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), qui explique que l’on observe dans les populations exposées à une chaleur excessive un nombre plus élevé de décès que dans celles qui vivent dans des conditions de température confortable. L’INSPQ affirme que « sans mesures d’adaptation, la mortalité au Canada pourrait augmenter de 2,5 à 5,5 fois d’ici la fin du siècle, selon divers scénarios climatiques et démographiques ».
Des études scientifiques établissent clairement des liens entre la chaleur extrême et la santé. En période de forte chaleur, la transpiration devient moins efficace pour refroidir le corps en raison de l’humidité élevée, ce qui accroît les risques pour la santé. Les canicules peuvent entraîner divers symptômes tels que maux de tête, étourdissements et fatigue. Elles peuvent aussi aggraver certaines maladies comme le diabète ou les pathologies rénales. De plus, elles peuvent avoir des répercussions psychosociales, comme l’augmentation du stress et de l’isolement, en particulier chez les personnes vulnérables comme les personnes âgées.
Inégalités sociales et grandes chaleurs
La baignade constitue une source de rafraîchissement lors des épisodes de canicule. Or, l’achat d’une piscine extérieure résidentielle constitue un investissement important. Depuis la pandémie, les prix ont beaucoup monté. En période d’inflation, cette importante dépense ne sera donc pas la solution pour tous les ménages. Seules les personnes qui en ont les moyens pourront s’offrir une piscine neuve ou se permettre de faire fonctionner celle qu’elles possèdent déjà.
Cette situation pourrait donc entraîner ou mettre en relief des inégalités sociales. C’est d’ailleurs ce qu’avait fait valoir la Dre Marie-Josée Godi, directrice régionale de la santé publique et de la responsabilité populationnelle, dans une lettre adressée au maire Jean Lamarche en 2022. Cette lettre faisait suite à la recommandation d’un comité municipal de fermer cinq piscines extérieures pour des raisons budgétaires. La Dre Godi y affirmait que « la fermeture de la moitié des infrastructures aquatiques municipales aura des conséquences sur la santé et la qualité de vie de la population de Trois-Rivières, particulièrement chez les personnes les plus défavorisées ». Dernièrement, dans un reportage de Radio-Canada, Marie-Josée Tardif, coordonnatrice adjointe au Centre d’organisation mauricien de services et d’éducation populaire (COMSEP), affirmait à peu près la même chose.
Toutefois, étant donné la fermeture de la piscine de l’Exposition et la construction de celle de l’île Saint-Quentin, l’administration trifluvienne envisage de rouvrir des installations aquatiques fermées antérieurement pour des raisons économiques. Ainsi, on parle d’ouvrir la pataugeoire du parc Jean-Béliveau et la piscine du parc d’Anjou. Cette possibilité représente en quelque sorte une bouffée d’air frais avant les chaleurs estivales !