Denis Hébert

innondaton

En avril 1896, les eaux du St-Laurent envahissent les rues et les quartiers de Trois-Rivières comme jamais auparavant. L’ampleur de cette inondation n’a jamais été égalée par la suite. Source : Centre interuniversitaire d’études québécoises, Collection René-Hardy, Fonds Trois-Rivières, Série François Lajoie, TR_F_LAJOIE_186.

Aujourd’hui que les brise-glace de la Garde côtière canadienne sillonnent le fleuve sans relâche de l’Atlantique à Montréal pour ouvrir le passage aux cargos pendant tous les mois d’hiver, on oublie souvent que la ville de Trois-Rivières a déjà essuyé de graves inondations au cours des deux dernières décennies du XIXe siècle.

À l’époque, une digue de glace se formait presque chaque printemps à la hauteur de Grondines, à mi-chemin entre Trois-Rivières et Québec, et les eaux du fleuve envahissaient le bas de la ville. En préparation à l’inondation, les gens montaient les lits sur des chaises, mettaient des pièces de fer sur les trottoirs de bois pour éviter qu’ils soient emportés par le courant, et ceux qui habitaient près du fleuve barricadaient leurs fenêtres pour se protéger des blocs de glace qui en sortaient souvent avec fracas.

Toutefois, l’ampleur de l’inondation de 1896 déjoue toutes les prévisions. Le 16 avril, le Saint-Laurent déborde sur ses deux rives jusqu’aux environs de Montréal. Le quartier Saint-Philippe disparaît presque sous l’eau. Le lac Saint-Pierre s’étend de l’église de Saint-Barthélemy, sur la rive nord, jusqu’à Saint-François-du-Lac, sur la rive sud.

Voici la description qu’en donne sœur Cora Cossette dans Trois-Rivières et ses débuts héroïques, 1615-1934 : « Quant aux désastres produits par le fleuve, la grande digue de 1896 fut la plus terrifiante. Chaque année, le fleuve était bloqué sur les roches de Grondines. Mais l’inondation de cette année affectait plus particulièrement la région du Saint-Maurice.

Le quartier Saint-Philippe disparut sous l’eau, de même que la Pointe-du-Lac et la Banlieue. Il fallait se rendre à l’église en chaloupe. Près de trente maisons furent détruites, démolies et transportées dans un autre site. Des familles entières furent plongées dans la misère. Des animaux furent noyés, mais à force d’énergie, on put éviter de nombreuses pertes de vie. »

À Trois-Rivières, l’eau monte jusqu’à la côte des Forges et dépasse la voie ferrée pour s’étendre dans les champs où est située aujourd’hui la paroisse Sainte-Marguerite. Dans le quartier Saint-Philippe, les hangars des quais et le bois de sciage échouent un peu partout dans les rues. Les amoncellements de glace poussent des bateaux jusqu’en face des résidences de la rue du Fleuve. Dans certaines maisons, l’eau monte jusqu’à l’avant-dernière marche du haut de l’escalier de l’étage.

Flairant la bonne affaire, les jeunes du bas de la ville offrent, moyennant 10 ou 25 cents, des tours de ville en chaloupe. Précurseurs des soirées d’animation du centre-ville, les plus vieux attachent bout à bout des trottoirs de bois pour former de grands radeaux sur lesquels musiciens et chanteurs parcourent les rues. On raconte que ces petites fêtes étaient arrosées de whisky et qu’il était fréquent que les hommes, devenus ivres, tombent à l’eau et boivent la tasse.

L’eau est demeurée haute pendant deux semaines et, pour la petite histoire de Trois-Rivières, 1896 est devenue « l’année de la grande digue ».

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