Jean-François Veilleux, octobre 2017
Plusieurs personnalités féminines mauriciennes se sont dévouées corps et âme pour l’enrichissement de la vie musicale de la population en général et auprès de certains jeunes. Parmi ces pionnières, Anaïs Allard-Rousseau occupe une place de choix.
Née à Sainte-Monique-de-Nicolet, le 31 octobre 1904, elle est l’aînée de sa famille. Après avoir terminé son cours Lettres et sciences, elle devient institutrice à plein temps à l’Académie Saint-Urbain, à Montréal. À l’âge de 20 ans, Anaïs pourvoit déjà aux besoins de deux de ses sœurs et de son frère. Elle donne des leçons de piano et touche les orgues de la paroisse. Elle s’inscrit également à la faculté de philosophie de l’Université de Montréal.
À 22 ans, Anaïs quitte Montréal pour Trois-Rivières. Peu après son arrivée, elle épouse en juin 1926 Arthur Rousseau, un jeune entrepreneur qui vient d’ouvrir un salon funéraire, dont le rayonnement se prolonge jusqu’à nos jours. Ils auront cinq fils et deux filles. Tout comme Anaïs, Arthur deviendra une figure marquante de la vie culturelle trifluvienne. En effet, il sera notamment maire de Trois-Rivières de 1941 à 1949, et, avec son épouse, il fera front commun pour plusieurs dossiers, entre autres les concerts éducatifs, valorisant ainsi la « démocratisation culturelle », c’est-à-dire un accès à la musique pour tous, les jeunes, les familles et le grand public.
En ce qui concerne plus précisément le parcours d’Anaïs Allard-Rousseau, dès 1937, s’inspirant de l’ensemble musical L’Orphéon fondé l’année précédente, elle crée le chœur des Petits Colibris, une chorale d’enfants, et elle participe activement à la programmation hebdomadaire de la nouvelle station radiophonique de Trois-Rivières, CHLN.
Après avoir institué en 1942 le cercle des Rendez-vous artistiques, qui obtient un énorme succès aux plans local et régional jusqu’en 1959, elle met sur pied en février 1943 le Club André-Mathieu, qui est destiné à offrir aux jeunes de 6 à 16 ans les mêmes avantages culturels que ceux des jeunes Montréalais. Elle conçoit et implante alors un système d’éducation musicale intégré aux concerts. En un an, environ 850 écoliers en deviennent membres. En 1947, Anaïs accompagne Josephte Dufresne, une jeune pianiste prometteuse, aux auditions des Prix d’Europe. En 1950, elle aide également à établir le Club musical trifluvien, un autre groupe de jeunes mélomanes.
Grande dame de la culture, madame Allard-Rousseau incarne cet idéal selon lequel la musique n’est pas qu’une passion individuelle, mais un véritable engagement social visant l’avenir des jeunes. C’est dans cet esprit que, le 23 août 1949, elle fonde avec Gilles Lefebvre l’organisme Jeunesses musicales du Canada. Gilles en sera le premier directeur, de 1953 à 1972, tandis qu’Anaïs assumera la fonction de vice-présidente nationale, puis bientôt, internationale.
Selon l’écrivain Louis Caron, la fondation de l’organisme a lieu à la villa Sainte-Marguerite de Trois-Rivières qui est le centre culturel familial des Allard-Rousseau, alors que l’histoire retient plutôt Saint-Hyacinthe comme lieu de fondation. Chose certaine, Trois-Rivières est l’une des six villes fondatrices avec Shawinigan, Grand-Mère, Sherbrooke, Saint-Hyacinthe puis Mont-Laurier. La Ville de Trois-Rivières est d’ailleurs hôte du premier congrès national du mouvement en 1950.
En plus de son rôle dans l’éducation musicale du public, Anaïs sera reconnue comme critique musicale internationale et comme cofondatrice du Conservatoire de musique de Trois-Rivières qui ouvrira ses portes en 1964.
Ayant contribué à l’organisation de concerts au profit des soldats pendant la Deuxième Guerre mondiale, madame Allard-Rousseau est décorée en 1969 de l’Ordre du Canada et elle sera honorée à titre posthume comme cofondatrice des Jeunesses musicales du Canada. Le 13 décembre 1970, elle devient la marraine de l’École des petits artistes à Trois-Rivières. Elle décède deux mois plus tard, le 15 février 1971, à Fort-de-France, en Martinique. Peu de temps après, le 29 mars 1971, la grande salle de la Maison de la Culture de Trois-Rivières est nommée en son honneur.
Pour en savoir davantage:
Amélie MAINVILLE. La vie musicale à Trois-Rivières : 1920-1960. Québec, Éditions Septentrion, 2009, 132 p.
Fonds d’archives de BAnQ à Trois-Rivières (donné par la famille en 1978):pistard.banq.qc.ca/unite_chercheurs/description_fonds?p_anqsid=20130810123105894&p_centre=04T&p_classe=P&p_fonds=16&p_numunide=369