Jean-François Veilleux, février 2018

L’année 2018 marque le 95e anniversaire de la mort de Benjamin Sulte, un historien local exceptionnel mais aussi un intellectuel hors du commun. Grand provocateur dans l’espace public, ce critique virulent aura su laisser sa trace.

Benjamin Sulte

Benjamin Sulte, année inconnue. Crédits : Bibliothèque et Archives Canada/MIKAN 3221480

Né à Trois-Rivières le 17 septembre 1841, il est le quatrième enfant de Benjamin Sulte dit Vadeboncoeur et de Marie-Antoine Lefebvre. Ayant perdu son père à l’âge de six ans, celui-ci s’étant noyé dans le naufrage de sa goélette, c’est sa mère qui lui apprend d’abord à lire et à compter. Du reste, il fréquente l’école peu longtemps, car dès ses 10 ans, il se trouve un travail pour aider sa mère et sa sœur Émilie.

D’une nature joviale, plein de fougue et sans crainte de la polémique, Benjamin réussira à se frayer un chemin dans le monde de la littérature. À l’adolescence, il publie d’abord quelques faits divers pour ensuite faire partie d’une société dramatique de théâtre. Après avoir fondé le Cercle littéraire de Trois-Rivières en 1859 avec quelques camarades, il publie à 21 ans son premier récit et plusieurs poèmes dans le Journal de l’instruction publique ainsi que dans la Revue canadienne. Ces œuvres lanceront Sulte définitivement dans la carrière des lettres.

Benjamin Sulte

À la suite de son enrôlement militaire, de 1861 à 1866, il accepte le poste de rédacteur du journal Le Canada, à Ottawa, où il emménage. Après la création du Dominion du Canada en 1867, il obtient un poste de traducteur à la Chambre des communes. En mai 1870, il devient fonctionnaire au ministère de la Milice, poste où il sera responsable des archives et de la correspondance à partir de juillet 1887. Acharné au travail, c’est lui qui mettra en ordre les archives militaires (1760-1880) du gouvernement fédéral.

Bien qu’il s’adonne à différents genres littéraires (poésie, chanson, contes et nouvelles), l’histoire et sa ville natale demeurent ses sujets de prédilection. Ses premiers ouvrages témoignent de cet intérêt pour le passé : Les marchés de la ville des Trois-Rivières (1868), Histoire de la ville des Trois-Rivières et de ses environs (1870) et Album de l’histoire des Trois-Rivières (1881).

Entretemps, le 3 mai 1871, Benjamin Sulte épouse Augustine Parent, fille d’Étienne Parent, le célèbre rédacteur du journal Le Canadien de Québec. Par cette alliance, il devient aussi le beau-frère de l’écrivain Antoine Gérin-Lajoie.

S’engageant activement vers 1876 dans la construction du nouvel édifice de l’Institut canadien-français d’Ottawa, il ébauche l’année suivante avec ses amis une Société littéraire du Canada. Membre fondateur en 1882 de la Société royale du Canada, il en deviendra le président général en 1904. Il fera également partie du Club des Dix d’Ottawa, un regroupement d’intellectuels.

À la même époque, entre 1882 et 1884, il publie son étonnante œuvre maîtresse, l’Histoire des Canadiens-français (1608-1880), qui déclenche les hostilités contre lui. Pour la première fois, selon la biographe Hélène Marcotte, un historien s’intéresse aux conditions de vie des gens du peuple. Mais, dans ce livre, Benjamin Sulte s’attaque aussi au clergé, notamment en présentant les Jésuites comme des opportunistes à l’esprit sectaire !

Après la publication de son Histoire du Canada (1884) — il prétendait à tort être le premier à rédiger un ouvrage sur ce sujet —, son visage est immortalisé par le sculpteur Louis-Philippe Hébert dans sa statue de Laviolette, érigée pour le 250e anniversaire de la cité trifluvienne, mais qui a malheureusement été détruite en 1919.

Retraité de la fonction publique en 1903, Sulte devient membre de la Commission des sites historiques du Canada en 1908, où il s’active à diverses commémorations, par exemple le monument Champlain à Ottawa en 1915 et celui de George-Étienne Cartier à Montréal en 1919.

En 1916, l’infatigable Sulte confiait dans une lettre qu’il avait publié 3 500 articles depuis 1860 ! À la fin de sa vie, se basant sur les 80 000 notes qu’il avait accumulées, Benjamin travaillait à un ouvrage sur les origines des Canadiens-français (1608-1750), mais ce livre ne verra jamais le jour.

Affaibli par la maladie depuis 1921, Sulte décède sans postérité à Ottawa, d’un cancer intestinal, le 6 août 1923, soit à presque 82 ans. Son corps est rapatrié à Trois-Rivières et inhumé au cimetière Saint-Louis, au côté d’autres nationalistes tels qu’Omer Héroux et Maurice Duplessis.

Soucieuse d’honorer sa mémoire, Trois-Rivières lui a rendu hommage de diverses façons. En 1934, on dévoilait un monument à son effigie dans le parc Champlain. Le pavillon des arts de l’UQTR porte son nom depuis le 10 novembre 1970. Enfin, en 1994, on créait le prix du patrimoine Benjamin-Sulte, l’un des Grands prix culturels de la Ville.

Malgré sa réputation sulfureuse et sa personnalité peu attachante selon Albert Tessier, l’érudition et la passion de Benjamin Sulte pour l’histoire nationale lui auront permis de laisser un héritage substantiel et accessible à tous. Il nous appartient maintenant de le redécouvrir et de le valoriser.


Pour en savoir davantage :

Hélène MARCOTTE. Benjamin Sulte, cet inlassable semeur d’écrits. Montréal, LIDEC, no 98, 2001, 62 p.

Article biographique dans la revue Patrimoine Trifluvien (SCAP), août 2000, p. 23.

Monument trifluvien érigé en 1934 : http://toponymie.v3r.net/fiche/160/rue-benjamin-sulte.aspx

Biographie dans le Répertoire du patrimoine culturel du Québec : www.patrimoine-culturel.gouv.qc.ca/rpcq/detail.do?methode=consulter&id=8106&type=pge#.WlKIxq7ia00

Patrice GROULX. « Benjamin Sulte, trifluvien pour toujours ». Cap-aux-Diamants, 2009, (98), 37-40. Disponible en ligne : www.erudit.org/en/journals/cd/2009-n98-cd1044827/6372ac.pdf

Site sur l’héritage patrimonial ontarien : www.ontario400.ca/400jours/benjamin-sulte/

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