Jean-François Veilleux – Histoire – septembre 2021 Fondée le 19 mars 1969, afin de s’inscrire dans le réseau national des universités québécoises issu de la Révolution tranquille, l’Université du Québec à Trois-Rivières a connu quelques moments de crise. Prenons quelques minutes pour revenir sur l’histoire et l’épanouissement de son association étudiante.
Aux origines du mouvement étudiant
À sa fondation par le gouvernement du Québec, le 18 décembre 1968, l’Université du Québec (UQ) est le seul réseau universitaire public au Canada. À cette époque, les étudiants et étudiantes du Québec avaient déjà commencé à s’organiser pour défendre leurs intérêts. De novembre 1963 à sa dissolution en 1969, car jugée « trop bureaucratique », il existait l’Union générale des étudiants du Québec (UGEQ), une fédération d’associations étudiantes rassemblant l’Université Laval, l’Université de Montréal et l’Université de Sherbrooke. C’est la première des fédérations québécoises étudiantes, née d’une scission dans la Fédération nationale des étudiants universitaires du Canada (FNEUC/NFCUS), créée en 1927, après plusieurs tentatives de réforme. Après avoir plaidé pour la gratuité scolaire en 1966, l’UGEQ participe au mouvement de contestation qui culmine avec une grève étudiante à l’automne 1968, parfois surnommée le « mai 68 québécois ». Leur principale revendication était l’obtention d’une deuxième université francophone à Montréal, c’est-à-dire une accessibilité accrue à l’éducation supérieure pour la majorité française de la population québécoise.
Les étudiants s’organisent
En janvier 1972, plus de 150 étudiants provenant d’une quarantaine de Cégeps et d’universités québécoises se rassemblent en congrès à Trois-Rivières pour discuter de l’avenir du mouvement étudiant. Ensemble, ils fondent un Front des étudiants du Québec (FEQ) qui reprend le discours de l’UGEQ selon lequel « les étudiants sont des travailleurs intellectuels et des agents premiers de leur formation ». C’est pourquoi ils doivent s’immiscer dans les affaires des institutions d’enseignement, mais aussi dans la société. D’ailleurs, selon sa charte adoptée, le FEQ défend l’idée d’un Québec indépendant et socialiste. Toutefois, c’est un échec et le FEQ disparaît en mai 1973. Les étudiants ne sont pas encore prêts à créer un regroupement national. Il faut attendre le 22 mars 1975 pour qu’un organisme devienne la voix officielle des étudiants du Québec : l’Association nationale des étudiants du Québec (ANEQ), regroupant 70 000 étudiants venants de 24 collèges et cinq universités, dans le but d’assurer la « promotion, le développement et la protection des intérêts matériels, professionnels, culturels et sociaux des étudiants ». Y participent notamment l’AGEUQAC (Chicoutimi), l’AGEUQAM (Montréal) et l’AGEUQTR (Trois-Rivières), fondée en assemblée générale, le 19 mars 1975, dans l’espoir de créer un syndicat étudiant. Entretemps, l’UQTR avait eu l’Association pour le regroupement des étudiants par module (AREM), mais celle-ci fut éphémère et n’a existé que l’espace d’une session en 1974. Toutefois, l’AGE UQTR dû attendre deux ans pour obtenir ses lettres patentes, émises par le gouvernement du Québec, le 5 janvier 1977.
La première action de l’Association générale des étudiants de l’Université du Québec à Trois-Rivières consiste à occuper le Complexe sportif (26 mars 1975) puis le Pavillon Pierre-Boucher (1er avril) afin de sauver la session paralysée par une grève des professeurs. Rapidement, une entente de reconnaissance mutuelle et de coalition est signée entre le syndicat des professeurs et l’AGE UQTR. En conséquence, les étudiants pouvaient remplacer sur les piquets de grève les professeurs dont on avait interdit de manifester sur le campus. Finalement, une entente avec l’administration est intervenue à la mi-avril. Ce ne sera pas la première ni la dernière fois que les professeurs de l’UQTR seront en grève, pour diverses raisons. Outre la grève générale illimitée des chargés de cours de l’UQTR du 6 novembre 2000 au 8 janvier 2001, on peut penser notamment à la grève des 341 professeurs à l’hiver 2008 ou au lock-out décrété en mai 2019 par le recteur de l’époque afin de couper l’herbe sous le pied à la grève des professeurs. Ces événements furent traumatisants pour certains acteurs et ont même encore des répercussions négatives.
L’AGE UQTR aujourd’hui
Regroupant tous les étudiants du campus de Trois-Rivières, soit environ 10 500 membres, l’AGE UQTR a comme mission de veiller « à la protection et à la promotion des droits et des intérêts étudiants ». De plus, tout en organisant la vie étudiante sur le campus, l’association générale offre divers services, tant au niveau académique, financier, politique, médical (assurances santé), familial (halte-garderie), ludique (le café-bistro La Chasse-Galerie existe depuis 1998) que médiatique (la radio CFOU 89,1 FM, fondée en septembre 1997, fêtera ses 25 ans en 2022 et le journal Zone Campus, fondé le 5 septembre 2005). Elle se décrit désormais comme « le plus important groupe jeunesse de la Mauricie et du Centre-du-Québec » ! Par contre, il ne faut pas la confondre avec l’Association générale des étudiants hors campus (AGEHC UQTR), reconnue par l’AGE UQTR dès 1988 et restructurée en 2020, qui regroupe environ 3 500 étudiants par session régulière, principalement à Drummondville, à Québec, en Montérégie et dans Lanaudière. Ils représentent aussi les étudiants de l’École nationale de police du Québec (ENPQ) à Nicolet et d’autres étudiants dans des programmes de formation continue et à l’École Internationale de Français (EIF) de l’UQTR. L’AGEHC est indépendante de l’AGE UQTR depuis la loi 32 adoptée par le gouvernement en 2003. Lors de l’historique grève étudiante en 2012, l’AGE UQTR s’est illustrée à de nombreuses reprises comme l’un des maillions essentiels du mouvement national étudiant sur le territoire québécois, notamment dans la défense des étudiant(e)s en région face au poids politique des universités montréalaises. Au printemps 2022, à l’occasion du dixième anniversaire du « printemps érable », j’aborderai plus précisément cette fois où l’AGE UQTR est entrée en « grève générale illimitée » pour la première fois de son histoire… Sources François LANDRY. « Mêlez-vous de vos affaires… mais mêlez-vous-en ! » : le mouvement étudiant à l’Université de Sherbrooke (1955-1982), mémoire de maîtrise (histoire), UQTR, 2005, 189 p. Revue POSSIBLES. « Questionner l’université », vol. 44, no. 2, automne 2020, 204 p. https://fr.wikipedia.org/wiki/Union_générale_des_étudiants_du_Québec www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/universite-du-quebec Fondation de l’ANEQ : http://bilan.usherbrooke.ca/bilan/pages/evenements/2697.html Histoire de l’AGE UQTR : https://oraprdnt.uqtr.uquebec.ca/pls/public/gscw031?owa_no_site=5620&owa_no_fiche=36 Histoire de l’AGEHC UQTR : https://agehc.ca/agehc/buts?fbclid=IwAR2clFiEyAyar1MDdUrnATnigA6Wf5UdVpAO0FX3N4htu6cnhcKCQYHcoS0 Grève générale des professeurs en 2008 : www.ledevoir.com/societe/education/182308/greve-generale-des-professeurs-de-l-uqtr www.tvanouvelles.ca/2008/03/27/les-341-professeurs-de-luqtr-en-greve Lock-out des professeurs en 2019 : www.lenouvelliste.ca/actualites/lock-out-a-luqtr-cest-une-vraie-catastrophe-8154bb95efb0fd95ea1f15eca031f146 Histoire du syndicat des chargés de cours de l’UQTR : https://oraprdnt.uqtr.uquebec.ca/pls/public/gscw031?owa_no_site=2774&owa_no_fiche=17