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Les organismes à but non lucratif et les entreprises d’économie sociale sont les principaux acteurs du réemploi. Sur la photo : la boutique du Bon Citoyen, à Trois-Rivières. Photo : Dominic Bérubé

La surproduction et la surconsommation de vêtements neufs entraînent une offre de vêtements usagés qui dépasse largement la demande. Résultat : les friperies et les organismes de la région croulent sous des vêtements et objets à gérer dont beaucoup sont en mauvais état. Ils doivent déployer une énergie considérable ou payer cher pour en disposer.

Énergie bénévole au service du tri

Le réflexe des « 3R » (réduire à la source, réemployer, recycler) est une seconde nature pour Valérie Hamel, responsable de l’ouvroir de Saint-Étienne-des-Grès. Étudiante, elle y consacre toutes ses heures libres. Comme elle, une quinzaine de bénévoles donnent de leur temps chaque semaine à l’organisme administré par la Fabrique.

Très souvent, la remise qui sert de lieu de dépôt pour les dons de la population déborde. Chaque semaine, l’ouvroir reçoit en moyenne une quarantaine de grands sacs de vêtements et plusieurs boîtes d’objets en tout genre (vaisselle, linge de maison, livres, décorations, petits électroménagers). Les profits de la revente de ces objets reviennent à la communauté sous forme d’aide alimentaire.

L’équipe inspecte minutieusement les dons : « Par exemple, un jouet à piles, je l’apporte chez moi, je vais l’essayer et le nettoyer avant de le rapporter à l’ouvroir, explique Valérie Hamel. Je compte aussi les pièces des casse-têtes et des jeux de société. »

Tout un réseau local s’affaire bénévolement à revaloriser les matières inutilisables. Le métal et les appareils électroniques défectueux sont ramassés par un ferrailleur. Le verre brisé est placé dans les conteneurs de récupération du groupe Bellemare. Les piles usagées sont déposées dans un lieu de collecte à l’école primaire du village. Les vieux meubles usés sont apportés à l’écocentre. Les textiles qui ne peuvent pas être revendus sont acheminés à un organisme qui récupère les boutons, les fermetures éclair et la fourrure. Les bénévoles préparent aussi des « guenilles », qui sont vendues « à la poche ». Enfin, tout ce qui peut être recyclé est déposé dans le bac bleu.

Grâce à tous ces efforts, l’organisme réussit à limiter ses déchets à sept bacs roulants de grand format remplis à ras bord le jour de la collecte des ordures.

19 000 $ pour le conteneur à déchets

L’organisme trifluvien Le Bon Citoyen finance lui aussi en partie ses actions d’aide alimentaire et de soutien auprès de la population par les profits de sa friperie/ressourcerie.

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Nathalie Bruneau, directrice générale du Bon Citoyen. Photo : Dominic Bérubé

Depuis la pandémie, toutefois, il est plus difficile de boucler les fins de mois notamment à cause de la dégradation de la qualité des dons matériels à l’organisme, affirme Nathalie Bruneau, directrice générale. « Avec la situation économique plus difficile, les gens vendent leurs articles de bonne qualité sur Internet. Souvent, les vêtements qui sont déposés chez nous sont tachés, déchirés, jaunis, il leur manque des boutons ou ils sentent la cigarette. On ne peut garder pour la revente que deux ou trois morceaux sur dix », estime-t-elle.

L’organisme dispose du reste, soit une centaine de poches de vêtements par mois et une panoplie d’objets et de meubles – tels que des divans déchirés – dans un conteneur à déchets loué à la compagnie Matrec.

Le coût du conteneur s’élève à 19 000 $ pour l’année 2022, révèle Nathalie Bruneau. La Ville de Trois-Rivières assume environ 7000 $ de cette dépense puisque l’organisme est considéré comme recycleur. Le solde demeure toutefois important. « Imaginez combien il faut vendre de gilets à 4 $ juste pour payer le conteneur  ! C’est de l’argent qui ne peut pas servir à notre mission sociale », énonce la directrice générale.

L’impitoyable logique de surproduction

C’est par conscience écologique que les gens souhaitent donner une deuxième vie à leurs biens usagés plutôt que de les mettre à la poubelle. En effet, pourquoi jeter lorsque ça peut encore servir ? Le réemploi n’est-il pas un « écogeste » ?

Bien que partant d’une bonne intention, peu de personnes comprennent que l’effet positif du réemploi est quasi illusoire devant l’impitoyable logique de surproduction de l’industrie de la mode éphémère (fast fashion). Ce secteur en forte croissance inonde le marché de vêtements bon marché qui sont souvent conçus pour ne pas être recyclés ni réemployés.

Par ailleurs, lorsque le vêtement n’est plus portable, il n’y a pas de débouchés pour les textiles, dit Nathalie Bruneau. « Tout le monde se demande quoi faire avec ça ! Il y a des réseaux pour les acheminer vers l’Afrique, mais cela crée un autre problème de pollution mondiale ailleurs. »

Donner et acheter avec conscience

Avant de penser au réemploi, on doit d’abord réduire l’achat de vêtements neufs, plaide la directrice du Bon Citoyen. Elle est d’avis qu’il faut ensuite s’assurer de ne remettre aux organismes que des items qui sont beaux, propres et revendables.

Par ailleurs, dans notre contexte de surabondance, acheter des vêtements usagés constitue un geste écologique qui présente plus d’avantages que le don. La conscience écologique de « je vais donner mon vêtement » devrait se transposer en « je vais acheter un vêtement usagé », fait valoir madame Bruneau.

« Certaines personnes croient que si elles achètent des vêtements au Bon Citoyen, cela prive les gens dans le besoin. Ce n’est pas du tout le cas, dit-elle, car il y en a en masse ! En normalisant l’achat de vêtements usagés, on aide aussi les plus démunis à ne pas se sentir exclus. L’achat de biens usagés n’est pas réservé aux pauvres, c’est un geste écologique pour tout le monde. »

Une ressourcerie en Mauricie ?

À l’initiative de la Ville de Trois-Rivières, Énercycle et des partenaires locaux élaborent un projet de soutien aux actions des organismes qui œuvrent en réemploi dans la région.

« Le projet final ressemblera à un ‟Costco du réemploiˮ pour les objets de la vie courante, comme des meubles, des électroménagers et des vêtements », explique Stéphane Comtois, directeur général d’Énercycle. La population pourrait déposer des dons dans un lieu réservé à cet effet. Les objets réutilisables des écocentres y seraient aussi acheminés.

Ce lieu serait destiné à l’approvisionnement des organismes du milieu communautaire et de l’économie sociale qui vendent des articles d’occasion et qui ne disposent pas nécessairement de l’espace d’entreposage et du transport appropriés. L’endroit pourrait comprendre également un service de réparation.

« Nous sommes à l’étape de la définition des besoins, et de la caractérisation et du volume des matières qui pourraient être réemployées », précise Gilles Lafrenière, directeur général de la Corporation de développement économique communautaire (CDEC), qui s’implique dans le projet. « C’est un projet qui va se faire en concertation. Il vise à réduire le plus possible l’enfouissement des matières et à mutualiser les ressources. »

Ce projet fait suite à une mesure du Plan de gestion des matières résiduelles 2023-2030 d’Énercycle.

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