poules urbaines
L’élevage d’espèces de volailles destinées à la consommation n’est pas aussi rare qu’on peut le penser à Trois-Rivières. Photo : Stéphanie Dufresne

L’époque où la Société protectrice des animaux de la Mauricie (SPAM) saisissait des poules dans des propriétés privées semble bien révolue. La Ville de Trois-Rivières s’est plutôt adaptée aux pratiques de sa population, dont une proportion croissante souhaite un retour à l’élevage de petits animaux « productifs » en milieu urbain.

Ces animaux qui fournissent des aliments sont encore bien présents dans les villes des pays moins développés et, jusqu’à récemment, ils l’étaient aussi chez nous.

Toutefois, au courant du siècle dernier, l’agriculture urbaine vivrière a été progressivement éclipsée au profit du modèle agroalimentaire industriel. Cette production agricole est essentiellement destinée à l’exportation, conséquence de l’instauration de nouveaux modes de transport et de procédés permettant le maintien de la chaîne de froid.

Un projet pilote de poules pondeuses urbaines

Au cours des dernières décennies, le désir de la population urbaine de se reconnecter à son alimentation a émergé un peu partout en Occident. Trois-Rivières n’a pas échappé à cette tendance puisqu’un débat public sur la garde de poules pondeuses en ville s’est tenu au cours de la décennie 2010. La SPAM, qui était allée jusqu’à saisir les poules d’un citoyen après qu’il s’était affiché publiquement en 2016, émettait alors de sérieuses réserves sur cette demande citoyenne, soulevant notamment les risques de négligence et d’abandon d’animaux.

Depuis, les choses ont évolué, à tel point que la Ville lançait en 2021 un projet pilote visant les poules pondeuses, dont le premier bilan est très positif, selon René Martin, conseiller municipal et administrateur à la SPAM. Les craintes de négligence et d’abandon ne se sont pas concrétisées et l’organisme parle désormais de pérenniser le projet : « Nous avons voulu prendre le temps de bien faire les choses et nous pourrons bientôt sortir du projet pilote pour allouer autant de permis que ce que la population demande », précise M. Martin.

Des élevages illégaux qui persistent

Le projet ne concerne toutefois que des poules pondeuses dans les cours arrière de résidences unifamiliales ou jumelées. Il ne répond donc pas à tous les types d’élevage actuellement pratiqués sur le territoire de Trois-Rivières.

L’élevage de petits animaux productifs fait bel et bien partie de l’histoire de notre ville. Sur la photo, qui date du milieu des années 1950, le jeune André Vermette tient fièrement une poulette destinée à la consommation. La famille Vermette était établie au coin des rues Plouffe et Lavérendrye, au cœur de Trois-Rivières. Photo : Diane Vermette

Par exemple, au centre-ville, il existe des élevages de poulets de grain. David* et les locataires de son immeuble à logements ont d’abord été  très discrets avec leurs poulettes, pour éviter les plaintes du voisinage. C’est par hasard que David a constaté, il y a quelques années, que la pratique était en fait plus répandue qu’il le croyait dans son quartier : « En jetant un œil par-dessus la clôture, j’ai réalisé que ma voisine avait elle aussi des poules pondeuses. Une année, tout comme nous, elle a aussi élevé du poulet pour la chair. »

De fait, l’élevage d’espèces destinées à la consommation n’est pas aussi rare qu’on peut le penser à Trois-Rivières. Dans un quartier cossu en périphérie de la ville, la famille de Daniel* poursuit avec discrétion un petit élevage de cailles, qui produit des œufs et de la viande sans que les voisins ne s’en soucient.

Pour des villes résilientes face à un futur incertain

Si des questions légitimes sur le bien-être animal et l’hygiène peuvent se poser – tout comme elles le devraient à propos de l’élevage industriel –, un retour à l’élevage urbain de petits animaux peut certainement répondre à différentes problématiques modernes. Compte tenu de l’urbanisation croissante de l’humanité, et des crises économiques et alimentaires anticipées à cause de l’intensification des changements climatiques, il semble nécessaire de poursuivre la réflexion au-delà des poules pondeuses.

*Nom fictif

 

Pour en savoir plus sur l’histoire de l’élevage d’animaux dans les villes :

Jean-Daniel Cesaro et Andrea Apolloni, « Élevage et urbanité, dans les villes développées ou en développement, quelles oppositions et quelles complémentarités ? », Territoire en mouvementRevue de géographie et aménagement [en ligne], 44-45 | 2020, mis en ligne le 19 février 2020, consulté le 24 avril 2022. URL : http://journals.openedition.org/tem/6131 ; DOI : https://doi.org/10.4000/tem.6131.

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