René Gélinas – texte du Syndicat des chargé.es de cours de l’UQTR – septembre 2021
La Covid-19 met à rude épreuve notre société, incluant les universités. Il n’y a cependant pas que la pandémie qui a fait réfléchir les universitaires dans les derniers mois. Ils ont été secoués par l’affaire Lieutenant-Duval (chargée de cours suspendue par l’Université d’Ottawa pour avoir utilisé, en classe, un mot « chargé »), surpris par la fermeture de nombreux programmes francophones à l’Université Laurentienne (et par sa mise à l’abri de ses créanciers) et, plus récemment, interpellés par la création d’une commission gouvernementale sur la reconnaissance de la liberté académique. Le milieu universitaire est diversifié, fertile, mais aussi complexe et parfois fragile. Ces secousses n’ont pas aidé à atténuer cette fragilité. Inévitablement, les questionnements sur le rôle des universités et sur les défis qu’elles doivent relever ont refait surface. Ce ne sont certainement pas les seuls auxquels ce milieu est confronté, mais la gouvernance des universités, leur financement, leur mission et leurs objectifs de formation en sont quelques-uns. Un autre de ces grands défis qui a récemment alimenté nos réflexions et nos discussions au Syndicat des chargés de cours de l’Université du Québec à Trois-Rivières concerne la liberté académique.
Liberté académique
En consultant les sites web des universités, on constate que leurs énoncés de mission, leurs valeurs et leurs visions n’abordent que timidement un des aspects fondamentaux de l’avancement des connaissances, soit la recherche de la vérité. Il n’est pas question ici d’une vérité universelle absolue, mais plutôt du processus de recherche de vérités factuelles et vérifiables, basées sur des hypothèses valides et testables. Pour l’avancement des connaissances, il est crucial que cette recherche de vérité puisse se faire librement, sans contraintes illégitimes (les contraintes que l’on pourrait qualifier de légitimes étant, en ce qui nous concerne, définies par les lois encadrant la liberté d’expression). Le cas de la chargée de cours Lieutenant-Duval (Université d’Ottawa) illustre bien que la mise à l’index de certains mots ou sujets de réflexion peut être une atteinte sérieuse à la liberté académique. Les conséquences sont graves : sans cette liberté, c’est la transmission des connaissances qui est compromise et donc, leur avancement. Préserver la liberté académique est d’une importance capitale pour les milieux universitaires et le défi est considérable. Pour y arriver, il faut interpeller tant les administrations universitaires que les enseignants, les étudiants et les gouvernements. S’il est naturel, pour les enseignants, de défendre la liberté académique, il peut en aller autrement pour certaines administrations universitaires. Le cas Lieutenant-Duval l’illustre bien : la liberté académique ne saura être bien promue et protégée que si elle l’est par les plus hautes instances universitaires. Les notions de protection de l’image institutionnelle, de réputation, de loyauté organisationnelle ou encore de clientélisme doivent être dissociées du concept de liberté académique et de son interprétation. Il importe d’appliquer ce concept sans prises de position arbitraires et sans pressions partisanes favorisant sa limitation. Pour citer François Legault, chef du gouvernement québécois, « nos universités devraient être des lieux de débats respectueux, sans censure, et de recherche de la vérité, même quand la vérité peut choquer ». Concernant les étudiantes et étudiants, il faut leur offrir un parcours universitaire qui favorise l’émergence de citoyens « connaissants », responsables, dotés d’une pensée libre et critique, et d’un jugement éclairé. La liberté académique est l’un des leviers les plus puissants pour y arriver. L’accomplissement efficace de ses fonctions commande que l’enseignant exerce sa liberté académique sereinement, sans crainte de représailles. Sans cette liberté, il devient impossible de présenter aux étudiantes et étudiants les diverses écoles de pensée permettant des réflexions ouvertes, saines et constructives, menant à la nuance, au respect et à l’avancement des connaissances. Tout un défi !