Réal Boisvert – mars 2020
Coup sur coup, les organismes Revitalisation de quartiers Saint-Marc/Christ-Roi de Shawinigan et Démarche des premiers quartiers de Trois-Rivières se sont récemment retrouvés en difficulté. L’hypothèse d’un arrêt complet des activités a été évoquée dans les deux cas, faute de financement et de reconnaissance officielle de la part des corporations publiques. Ensuite, Revitalisation de quartiers Saint-Marc/Christ-Roi a évité de justesse la fermeture grâce à une subvention ponctuelle de 60 000 $, mais au prix d’une conversion de sa mission à celle d’une maison de la famille. Du côté trifluvien, à l’heure où ces lignes sont écrites, les porte-parole de la Démarche des premiers quartiers ont le sentiment d’avoir été entendus après une rencontre avec des représentants de la Ville de Trois-Rivières. Rien n’est cependant assuré pour autant.
La situation de ces deux organismes représente certainement un cas de figure quand on considère globalement ce qui se fait en matière de développement social sur le territoire des deux principales villes de la Mauricie. En dépit des efforts accomplis dernièrement par le gouvernement pour lutter contre la pauvreté et l’exclusion, et malgré les avancées en matière de budgets participatifs, en comparaison du développement économique, le développement social semble être le parent pauvre à l’échelle municipale.
De fait, les budgets consentis à la Société de développement de Shawinigan et à Innovation et Développement économique de Trois-Rivières sont sans commune mesure avec les sommes que ces deux villes consacrent à la revitalisation et au développement de leurs collectivités[1]. Chose certaine, a-t-on déjà vu les mandataires du développement économique des villes se plaindre d’un manque de ressources pour accomplir leur mission ? Ce qui n’est pas le cas des entrepreneurs sociaux, trop souvent inquiets en matière de financement et de rayonnement d’action.
Selon un point de vue défendu par de nombreux chercheurs, l’équilibre[2] entre les ressources accordées au développement économique et celles consacrées au développement social constitue la voie royale vers un développement durable et responsable. Dans le cas contraire, au seul plan municipal, la répartition de ces subventions n’a pas que de bons effets. Surtout lorsqu’elle n’est pas encadrée de balises : elle génère alors certains dommages collatéraux. On voit notamment apparaître ici et là de véritables déserts alimentaires. Aussi, on constate que plus en plus de familles et d’individus démunis passent de logement en logement sous la poussée de divers processus d’embourgeoisement. On observe également une différenciation inéquitable de la trame urbaine en ce qui concerne l’exposition au bruit, la qualité de l’air, la salubrité des habitations et le transport. Au surplus, on ne dira jamais trop à quel point les profits engendrés par le développement économique ne sont pas défalqués des coûts reliés à l’épuisement des ressources et aux dommages causés à l’environnement.
En revanche, le développement social n’a à souffrir d’aucun complexe quant à la création de la richesse. Toutes les pratiques soutenant la mobilisation citoyenne, favorisant la participation sociale et facilitant l’intégration des personnes accroissent la capacité d’agir des individus de même que celles des collectivités, et contribuent ainsi au rayonnement humain d’un territoire donné. Concrètement, ces dispositions sont de puissants générateurs d’intelligence collective, faisant en sorte que chaque citoyen et chaque citoyenne deviennent contributifs, pour la part qui leur revient, aux acquis de société obtenus en matière d’environnement, de justice, de mieux-être et d’avancement du bien commun.
Le développement économique et le développement social ne fonctionnent à plein régime, pourrait-on dire, que lorsqu’ils sont tous deux à égalité et en situation de corégulation. Car ils sont les deux volets d’un même dispositif voué à la prospérité générale. Ce principe devrait mieux se refléter dans les montages financiers et dans les opérations d’accompagnement que les municipalités consacrent aux responsables d’activation collective sur leur territoire. Dont acte.
[1] Les états financiers d’IDE Trois-Rivières ne sont pas disponibles en ligne. Il faudra attendre présentation publique de circonstance qui se tiendra le 20 avril pour en connaître la teneur. D’ici là, il serait étonnant que ce que nous affirmons soit démenti.
[2] : Callois, Jean-Marc. « Capital social et développement économique local. Pour une application aux espaces ruraux français », Revue d’économie régionale et urbaine, 2004/4 (octobre), p. 551-577. DOI : 10.3917/reru.044.0551. URL : https://www.cairn.info/revue-d-economie-regionale-et-urbaine-2004-4-page-551.htm.