Soraya Kettani – Opinion – janvier 2022
Les variants mettent à rude épreuve la communication politique et fragilisent la performance perçue de la compétence des politiques.
Nous pensions que ce ne serait bientôt plus un sujet de discussion. Mais le variant Omicron impose d’en rediscuter à nouveau. Entre sidération et épuisement, les politiques apprennent toujours à gouverner dans l’imprévisible avec des variants qui font partie désormais de leur carrière et de leur avenir.
Qu’est-ce qu’un variant ?
C’est un virus qui évolue au cours du temps. Il est défini par sa séquence et le comportement de ses séquences est consigné dans une base de données nommée GISAID, où se croisent des milliers d’autres données provenant de centaines de laboratoires dans le monde. En date d’aujourd’hui, plus de trois millions de séquences ont été recensées. Cette base de données est importante, car elle permet d’établir en temps réel l’arbre généalogique et la phylogénie (évolution des lignées) des virus qui circulent dans le monde.
Un variant devient manifeste lorsqu’une séquence commence à circuler de façon plus importante dans une région et qu’il a une capacité de multiplication ou de transmissibilité augmentée au sein d’une population, où il finira par prédominer. Les variants qui s’imposent ainsi sont ceux qui se livrent à des compétitions féroces entre eux.
Ces variants font l’objet d’une attention particulière de la part des chercheurs, qu’il s’agisse de variants d’intérêt qu’on surveille ou de variants d’inquiétude dont on ne maitrise pas l’éventuelle évolution. Ils ne sont pas nombreux, mais ils possèdent des propriétés qui leur garantissent une propagation accélérée par rapport à d’autres variants, soit du fait de leur résistance aux anticorps, soit du fait des conséquences de leur virulence.
Présenter les variants au public sert à faire valoir leur importance dans la carrière des politiques qui s’escriment à les maitriser, et qui semblent atténuer de plus en plus la perception que se font les citoyens des compétences certaines de ces personnes.
Cohabitation de 21 mois et recherche de légitimité toujours à renouveler
Le 20 décembre dernier, François Legault annonçait que des « choix difficiles » allaient être dévoilés le mercredi 22 décembre. Seulement 10 jours auparavant, il espérait permettre à tous les Québécois de réunir 20 personnes autour de la table des fêtes. Cet espoir s’est éteint à cause du dernier variant : Omicron.
Combien de temps monsieur Legault et ses conseillers ont-ils consacré à décider de la meilleure stratégie pour faire l’annonce de nouvelles restrictions sanitaires, alors que les tendances des derniers mois nous dirigeaient de plus en plus vers une sortie de crise ? Alors que des milliers de Québécois avaient accepté de se faire vacciner pour soutenir cet espoir immense d’en finir avec la pandémie ?
Comment présenter ces restrictions quand bon nombre des personnes qui ont consenti à la vaccination commencent à douter des vaccins et mettent de plus en plus en question les rappels qui sont impérieusement recommandés par le gouvernement ? Comment soutenir toujours les efforts, ô combien laborieux, du gouvernement quand, il y a quelques mois à peine, on mettait en doute la fiabilité des tests rapides et que soudainement on les considère fiables ? Était-ce simplement pour aider à désengorger les centres de dépistage ?
La propagation d’Omicron s’est faite de façon tellement exponentielle – en moins de deux semaines – que le gouvernement ne peut plus en produire un tableau juste en temps réel. On a mis en place de nouvelles méthodes de calcul tant le cauchemar Omicron est venu surprendre et déréguler tous les pronostics. Le contrôle se perd d’une certaine manière, parce que les dépistages ne peuvent plus retracer avec précision la source de contagion et que le suivi du nombre de cas quotidiens est devenu approximatif.
Un peu avant l’apparition d’Omicron, le variant Alpha a fait des siennes en Angleterre, le variant Beta a été déclaré dominant en Afrique du Sud, le variant Gama a circulé surtout au Brésil et le variant Delta s’est largement propagé en Inde. Voilà que désormais le variant Omicron devient dominant aux États-Unis.
Communication politique : tâche ardue et complexe
Cela fait 21 mois que les autorités font ménage forcé avec les variants. En plus de leur poser de nombreux défis de gestion prioritaire – économique et sanitaire, ils leur imposent une communication politique complexe et de ce fait très difficile à accomplir correctement.
La communication politique est une responsabilité citoyenne pour comprendre ce que les gouvernants veulent comprendre et une responsabilité gouvernante pour produire de larges adhésions aux messages qui sont communiqués.
Jusqu’ici, la communication a été pour le gouvernement du Québec, comme pour tous les gouvernements du monde entier, l’une des plus ardues de leur mandat politique, et a coûté même la carrière à certains d’entre eux.
Quoi dire, comment le dire, à quel moment le dire et surtout quel effet produire ? Cette combinaison devient l’équation d’un exercice tendu entre équilibre des décisions à prendre et attentes des citoyens, entre incertitude face à l’imprévisible et responsabilité de réduire les incertitudes. Cependant, la communication devient une compétence spécifique à ne pas négliger par ceux qui nourriraient l’ambition de carrières politiques, lesquelles semblent promises de plus en plus à des avenirs troubles.