Coupe dans les budgets de l’éducation, augmentation du nombre d’élèves par classe, coupe dans l’aide professionnelle apportée aux élèves en difficulté : obsédés par l’atteinte de l’équilibre budgétaire et convaincus que la seule voie qui y mène est le désinvestissement de l’État dans le secteur public, nos dirigeants actuels voient l’école comme une entreprise, qui doit être gérée comme telle et devrait donc être en mesure de faire mieux avec moins.
Comme de coutume, les problèmes de financement auxquels est confrontée l’école publique ramènent sur le tapis la polémique autour du financement de l’école privée à même les fonds publics. La droite affirme que l’État doit œuvrer en faveur de la liberté des parents et assurer que la possibilité du « libre choix » est réelle. Elle considère en outre que le maintien d’un système privé accessible est nécessaire à la concurrence. Il faudrait continuer à subventionner le privé afin que ce dernier tire le public vers le haut en rivalisant pour sa clientèle et en lui offrant des modèles à suivre.
La gauche pour sa part soutient généralement que le système d’éducation doit favoriser l’égalité des chances et, par conséquent, être public et à « une seule vitesse ». Au Québec, la prémisse est qu’un système d’éducation commun est un bien collectif de grande valeur. L’école publique doit évidemment servir à éduquer les enfants et à favoriser leur épanouissement individuel, mais elle doit aussi permettre de réaliser des objectifs collectifs, comme promouvoir l’égalité des chances et le brassage culturel entre des enfants qui viennent de milieux familiaux très différents. Une école publique mixte, tant d’un point de vue socioéconomique que culturel, favorise la mobilité sociale ascendante et les rapprochements entre des jeunes d’origines ethniques diverses. C’est l’idée, populaire en France, de l’école comme « creuset » de la démocratie ou de la citoyenneté.
Jocelyn Maclure, professeur de philosophie à l’Université Laval, fait remarquer que l’égalité des chances n’est pas le seul principe en cause. Selon lui, des principes comme la liberté individuelle, la liberté d’association et le droit qu’ont les parents de prendre des décisions structurantes pour l’avenir de leurs enfants font en sorte que l’État peut difficilement aller jusqu’à interdire la création d’écoles privées. La loi stipule en effet que « les personnes et les groupes ont le droit de créer des établissements d’enseignement autonomes et, les exigences du bien commun étant sauves, de bénéficier des moyens administratifs et financiers nécessaires à la poursuite de leurs fins ».
Par ailleurs, la fin du financement public de l’école privée aurait pour effet d’accentuer le caractère élitiste des écoles privées qui réussiraient à survivre en augmentant les droits de scolarité. En Ontario, où les écoles privées ne sont pas subventionnées, certaines exigent des droits de 15 000 à 25 000 $ par année !
Sachant que la politique est l’art du possible, il mesemble que Jean-Pierre Proulx, professeur retraité de la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Montréal, propose une piste intéressante pour sortir de ce dilemme. Pour lui, la solution n’est pas de réduire le financement des écoles privées mais plutôt, conformément au principe mêmes subventions-mêmes obligations, d’augmenter les exigences qui leur sont faites en matière d’accessibilité, de rétention des élèves en difficulté, de francisation des immigrants et de collaboration avec les autorités scolaires publiques du territoire où se trouve l’école. Il estime qu’il faut se donner pour but d’inclure et d’intégrer le plus possible les écoles au sein du même système scolaire, que celles-ci soient de propriété privée ou publique. Il faudrait que les écoles privées deviennent de plus en plus publiques, en quelque sorte. Qu’en pensez-vous?