Pour souligner la fête des Mères, La Gazette de la Mauricie s’est entretenue avec Sabrina Roy, conseillère municipale à la Ville de Trois-Rivières et mère monoparentale.
Sabrina Roy est bien au fait des embûches que doivent surmonter les jeunes mères impliquées en politique, elle qui est devenue maman deux fois depuis son élection en 2013. Les difficultés de conciliation travail-famille ont en effet commencé tout de suite après son premier accouchement, alors qu’elle a dû continuer à régler des dossiers… depuis son lit d’hôpital.
L’impossible congé de maternité des élues indépendantes
Il y a pourtant eu des gains dans les dernières années en ce qui concerne les congés parentaux, mais principalement pour les élus(-es) des grandes villes. Par suite d’une demande de conseillères issues de partis politiques, notamment à Gatineau et à Montréal, le gouvernement a décidé d’allonger le délai d’abstention maximal prévu par la loi. Ce délai, fixé à 90 jours, passait alors à 18 semaines pour les nouveaux parents, soit environ un mois de plus.
Pour les conseillers(-ères) indépendants(-es) des villes de plus petite taille, cette extension n’a toutefois rien changé à la problématique, qui tient davantage du manque de ressources pour assurer un suivi adéquat en leur absence : « Partir plusieurs mois reviendrait à un suicide politique pour nous. Même prendre quelques semaines, c’est difficile : le téléphone continue de sonner, les courriels de rentrer, et personne ne fera tes suivis pour toi », mentionne Sabrina Roy à ce sujet. Il faut savoir que les prestations de soutien allouées aux élus(-es) indépendants(-es) – contrairement à celles destinées aux élus(-es) membres de partis politiques –, sont nettement insuffisantes pour verser un salaire de remplacement durant un congé parental.
Des horaires inadaptés aux réalités parentales
Pour Joanne Blais, directrice de la Table de concertation du mouvement des femmes de la Mauricie, la problématique de la structure du travail dans les organisations s’ajoute à ce manque de ressources : « Faire des rencontres pendant l’heure du déjeuner ou du souper, ce n’est pas réaliste pour les parents de jeunes enfants. »Et puisque, culturellement, les tâches familiales incombent encore davantage aux femmes qu’aux hommes, on se retrouve avec une conciliation plus complexe pour les mères.
Ce problème est d’ailleurs récurrent autour de la table du conseil à Trois-Rivières, où certaines rencontres dépassent l’heure de fermeture des services de garde ou empiètent sur les heures de repas : « Quand il faut aller chercher les enfants à l’école ou à la garderie, on peut rester branché sur la réunion, quand elle est virtuelle, mais on n’est plus du tout concentré. On ne participe plus aux échanges », souligne Sabrina Roy.
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Avec l’arrivée récente de plusieurs élus(-es) à Trois-Rivières qui occupent d’autres postes hors de leur charge élective, la conciliation travail-famille semble devenir encore plus difficile. Pour Sabrina Roy, les efforts personnels ne suffiront plus, elle qui manquera une importante réunion bientôt : « Cette semaine […], on a une rencontre prébudgétaire… un samedi matin ! Aucune de mes gardiennes n’était disponible […] j’ai épuisé toutes mes ressources. Je vais la manquer. »
Parce qu’on est en 2022
Plusieurs pistes de solutions facilement applicables sont à la portée des villes qui désirent améliorer la représentation des jeunes et des femmes aux postes électifs. À Trois-Rivières, on pourrait par exemple mettre des ressources humaines de la municipalité à disposition des élus(-es) nouvellement parents afin de les aider à assurer leurs suivis, de manière non partisane. Une halte-garderie sur demande pourrait aussi être mise sur pied les soirs de conseil ou lors de consultations, ce qui permettrait d’aider à la fois les élus(-es), les fonctionnaires et les citoyens(-nes). Le maintien du mode de travail hybride, permettant une présence virtuelle lors de réunions en présentiel, constitue aussi une solution intéressante pour les jeunes mères politiciennes qui, comme Sabrina Roy, appréhendent actuellement le retour à la normale postpandémique.