Louis-Serge Gill, octobre 2019
Jocelyn Garneau, doctorant en développement régional à l’UQAR, s’intéresse à l’optimisation des services de loisir public en milieu rural. Cet improvisateur d’expérience nous a entretenu des recherches qu’il mène pour valoriser la pratique de l’improvisation au Québec, en ville comme en région, mais aussi des vertus communautaires de cet art parfois incompris.
Au gré des rencontres entre improvisateurs, Jocelyn Garneau et ses comparses réalisent qu’exception faite des nombreuses informations techniques qu’on trouve aisément dans internet, on parle très peu de l’improvisation : comment est née la communauté de l’impro? quelle est sa structure? quels sont les enjeux?
La solution apparaît rapidement : « Et si on créait une revue? Une publication où, périodiquement, les collaboratrices et collaborateurs pourraient se pencher sur les enjeux divers liés à l’improvisation. » Ainsi naissent Réplique (dont un numéro vient de paraître), la revue qui garde des traces écrites des réflexions, des recherches et des opinions de ses rédacteurs, et la Coalition de recherche sur l’improvisation et les spectacles spontanés (CRISS), toutes deux en amont d’un travail de mobilisation pour mieux faire connaître le monde de l’improvisation au Québec.
Légitimer l’improvisation
À court, moyen et long terme, la CRISS souhaite mettre en lumière certains enjeux tels la rémunération des comédiens, le développement de spectacles de grande qualité soutenus par une démarche artistique et mettre en place des projets de soutien en lien avec le milieu scolaire et les ligues d’amateurs.
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Ultimement, la CRISS aimerait que les projets de spectacle d’improvisation se qualifient autant que ceux des autres arts de la scène pour les demandes de subvention. À l’heure actuelle, l’improvisation appartient à la case « Théâtre » des organismes subventionnaires et si Jocelyn Garneau convient qu’il s’agit bien de théâtre improvisé, la démarche demeure différente selon les milieux.
Une affaire de communauté
En effet, les premiers résultats des recherches démontrent que l’improvisation québécoise est à 90% menée par des amateurs. Pour les ligues d’amateurs, les demandes de subvention sont acheminées aux villes. Selon Garneau, la reconnaissance de ces initiatives artistiques dépend de l’importance accordée à la vie culturelle par les municipalités.
Comme l’ensemble des ligues d’improvisation dans les régions sont menées par des bénévoles, Jocelyn Garneau insiste sur la portée communautaire de cet art qui se bâtit avant tout autour d’un esprit de groupe : « Si tu as un bon organisateur au sein d’une troupe, c’est un hasard! On cherche surtout à recruter de bons improvisateurs. Alors pour l’organisation, le tout se fait avec des bénévoles qui portent le projet à bout de bras. »
Savoir s’adapter
Ce mode de vie « communautaire » s’intègre d’ailleurs merveilleusement à la personnalité de ceux qui le pratiquent. Les vertus de cet art sont bien reconnues : entraînement à parler devant public et développement d’un sens de la répartie, voire d’un vocabulaire élargi. L’improvisation rend plus attentif aux situations de la vie quotidienne.
Plus que mûre pour qu’on s’y intéresse sérieusement, l’improvisation n’a pas que des bienfaits pour l’individu. C’est un stimulant pour une vie sociale plus riche et pour mieux performer. Les improvisateurs prennent des risques ensemble. Comme le souligne Jocelyn Garneau, « quand on se plante, on se retourne vers l’autre et on en rit. Quand on réussit, qu’on fait des bons coups, le lien devient d’autant plus fort. »
Rapidement, l’équipe d’impro devient le réseau social sur lequel on peut toujours compter. Bref, on y trouve des amis avec lesquels on partage une expérience unique hors des cercles communs que sont les études ou le travail.
En somme, bien qu’à ses premiers balbutiements, la recherche sur l’improvisation témoigne avec brio autant de la formation et de la structuration de communautés que du développement d’un art de la scène.