Jean-Claude Landry, mai 2018
Ça brasse dans l’Ouest. Le gouvernement de l’Alberta menace de priver de pétrole la Colombie-Britannique qui estime que ses milieux marins et terrestres sont exposés à un grave risque environnemental par le projet d’expansion de l’oléoduc Trans Mountain. Un projet qui permettrait l’acheminement annuel vers la côte britanno-colombienne de quelque 325 millions de barils additionnels de pétrole brut issus des sables bitumineux et ferait passer de 5 à plus de 30 le nombre de pétroliers chargés mensuellement sur les côtes de Vancouver.
Mais l’Alberta peut compter sur un allié de taille. Pour le premier ministre Justin Trudeau, celui-là même qui se pose en défenseur de la planète, la construction de ce pipeline constitue un enjeu d’intérêt national, rien de moins. Faut-il s’en étonner? Ottawa se révèle, aujourd’hui comme hier, un allié indéfectible de l’industrie extractive qu’elle soit minière ou pétrolière. L’annonce d’une possible aide financière à la société texane Kinder Morgan, promoteur du projet Trans Mountain, pour la convaincre de ne pas se désengager, n’est qu’une illustration additionnelle des avantages fiscaux démesurés accordés à cette industrie. Et que dire de cette démission fracassante, en pleine campagne électorale fédérale 2015, du coprésident de la campagne électorale libérale après qu’une fuite eu révélé l’envoi d’un courriel personnel aux responsables du projet de l’oléoduc Énergie Est afin de les conseiller sur les ficelles qu’ils devraient tirer auprès du nouveau gouvernement à Ottawa?
À la lumière des évènements actuels, on peut dire que l’abandon du projet Énergie Est par TransCanada nous a épargné toute une bataille. Bataille d’autant plus dure qu’il aurait fallu la mener sur deux fronts à la fois. Celui du Québec, dont le gouvernement, tout au long de cette saga, n’a jamais démontré le même courage que celui de la Colombie-Britannique. Et celui d’Ottawa où, à coup sûr, le parti au pouvoir nous aurait servi l’argument de l’intérêt national (lire l’intérêt de l’industrie pétrolière, étrangère de surcroît dans le cas de Kinder Morgan). Quoiqu’en aient dit les dirigeants de TransCanada, la mobilisation exemplaire qui s’est développée pendant plusieurs années dans les régions traversées par le projet Énergie Est a sans doute contribué, en plus des considérations financières, à faire achopper ce projet.
S’il y a un enseignement à retenir de l’affrontement actuel dans l’Ouest canadien, c’est que « intérêt de l’industrie pétrolière » et « intérêt national » vont de paire dans ce pays. Et ce peu importe les beaux discours sur la lutte aux gaz à effets de serre et aux changements climatiques ou encore le souci de réconciliation avec les peuples autochtones et la prise en compte de leurs intérêts. Le Canada est un pays pétrolier!
Dans un tel contexte le mieux que l’on puisse faire au Québec, c’est d’éviter de participer à l’expansion de cette industrie mortifère pour l’avenir de la planète. Que la Caisse de dépôt et placement du Québec et le Mouvement Desjardins, dont on s’attendrait à ce qu’ils se distinguent des autres institutions financières par leur éthique sociale, participent au financement du projet Trans Mountain ne peut qu’étonner. Il faut donc saluer les initiatives prises par des regroupements de citoyens qui demandent à la CDPQ de mettre fin à ses investissements dans les énergies fossiles et la démarche amorcée par certaines caisses Desjardins afin que le Mouvement Desjardins se retire de ce projet.
Ce sont là des gestes et des pressions qui sont à notre portée en attendant qu’un jour, peut-être, les Québécois conviennent que le temps est venu de déterminer eux-mêmes quels sont les enjeux d’intérêt national.