Certes, pour les sondages individuels publiés trois jours ou moins avant le 28 avril (21 sondages), certaines variations observées sont parfois importantes, notamment en ce qui concerne les résultats pour le PCC et le NPD. Un sondage a sous-estimé le résultat des conservateurs par 6,5 points de pourcentage (le plus grand écart) et un autre par 4,3 points. Un peu de dérive aussi dans les sondages concernant le NPD, plusieurs d’entre eux surestimant la performance des néo-démocrates parfois jusqu’à près de cinq points de pourcentage. Mais globalement, pour cette élection, les sondages nationaux publiés trois jours ou moins avant le 28 avril ont tout de même été relativement efficaces.
Cependant, et le message est souvent répété, chaque sondage individuel est une prise d’informations à un moment spécifique et avec un échantillonnage différent d’un sondage à l’autre. Normal, donc, que tous les sondages ne donnent pas exactement les mêmes résultats. C’est pour cette raison que les agrégations de sondages (calculs de moyennes pondérées à partir des sondages individuels) sont recommandées.
L’agrégation des résultats individuels atténue l’effet des grandes variations en tenant compte des résultats de plusieurs sondages différents. Le site 338Canada réalise cet exercice depuis de nombreuses années, que ce soit dans le cadre des élections fédérales canadiennes, des élections provinciales et même des élections américaines.
Pour les élections fédérales du 28 avril dernier, les dernières estimations publiées par 338Canada prévoyaient des intentions de vote de 39 % pour le PCC, 43 % pour le PLC, 8 % pour le NPD et 6% pour le Bloc québécois. Ces prévisions ont, a posteriori, été plutôt bonnes, ne s’écartant du résultat électoral que de très peu (légère surestimation pour le NPD et sous-estimation pour le PCC).
Taux de participation
Cette année, le taux de participation aux élections générales fédérales a été de 68,7 %, mais il reste sous la barre des 70 % depuis 36 ans.
Avant 1988, seulement 10 élections affichaient un taux de participation sous les 70 %. En fait, la dernière fois que le taux de participation a dépassé les 70 % était lors de cette élection. Il a même été de 58,8 % en 2008, un minimum record. Fatigue électorale oblige toutefois car il s’agissait de la troisième élection générale en 4 ans. Le taux participation record a été établi en 1958 avec 79,4 % des électeurs inscrits.
Je note ici que compte tenu de la grande popularité du vote par anticipation, certains analystes s’attendaient à un taux très élevé de participation pour cette 45e élection générale fédérale. Ce ne fut pas le cas.
Vote par anticipation
Le vote par anticipation existe pour que celles et ceux qui ne pourraient voter le jour officiel de l’élection puissent tout de même le faire à un autre moment. Il fut un temps où il fallait justifier sa demande de vote avant la date officielle, mais ce n’est plus le cas maintenant.
Il serait raisonnable de s’attendre à ce que cette mesure facilitatrice favorise la participation électorale. Cette attente ne se concrétise pourtant pas. Alors que le vote par anticipation ne cesse de progresser, les taux de participation aux élections n’arrivent plus à dépasser les 70 % depuis longtemps.
Élections canada a dévoilé que 37,2 % des votes exprimés l’ont été par anticipation cette année. Le plus haut pourcentage jamais enregistré et un record en termes de nombre de personnes. Il faut dire que le congé Pascal a peut-être facilité les choses. Le taux de vote par anticipation de 2025 a battu le précédent record, celui de 2021 qui était à 34 % et, peut-on supposer, gonflé par l’effet Covid.
La morale est que le vote par anticipation n’est pas un bon prédicteur du taux de participation électorale. Le pourcentage des votes anticipés est de plus en plus élevé, mais le taux de participation reste à peu près stable. Il est probablement tentant de profiter de ces quatre jours de vote pour se débarrasser de cette corvée, mais finalement, il n’en résulte qu’un déplacement, dans le temps, de l’exercice du droit de vote.
Le vote par anticipation peut aussi être commode pour les partis politiques. Le fait qu’il ait eut lieu pendant le congé Pascal a facilité la mobilisation des bénévoles, ce qui a aidé à faire sortir le vote rapidement. Aussi, plus il y a de votes anticipés, moins il reste de personnes à solliciter sur les listes de pointage le jour officiel du scrutin.
Un désavantage démocratique
Il y a pourtant des désavantages au vote par anticipation. Un nombre très élevé de personnes auront voté alors qu’il restait plus d’une semaine à la campagne. Pour toutes celles et ceux qui ont alors déposé leur bulletin de vote, il n’y avait plus de retour en arrière possible. Pourtant, il restait à venir de nombreux sondages et de nombreuses entrevues avec les politiciens.
Il faut aussi souligner que le cadre financier du PCC, un des deux partis prétendants au pouvoir, n’était pas encore diffusé et les cadres financiers des autres partis ne l’étaient que depuis quelques jours. Ajoutons que Trump faisait encore des siennes avec les tarifs et son ambition de 51e état, ce qui n’est pas sans influence sur l’opinion des électeurs.
Nous avons aussi appris, après le vote par anticipation, que Mark Carney a dit, à propos de son entretien téléphonique avec Trump, qu’il n’avait pas été question de l’indépendance du Canada (l’idée du 51e état), ce qui, finalement, était faux. Et vers le 23 avril, Yves-François Blanchet annonçait qu’il serait prêt à collaborer avec un gouvernement libéral éventuellement minoritaire. Cette dernière affirmation aussi aurait pu avoir un effet sur le vote de certaines personnes.
En bout de piste, cela fait beaucoup de votes (le tiers) sur la base d’informations incomplètes. Démocratiquement, ce n’est pas l’idéal. Nous avons eu des élections en deux temps, étalées sur un peu plus d’une semaine : quatre jours de vote par anticipation et une journée officielle de scrutin six jours plus tard. C’est une amélioration de l’exercice de la démocratie, mais peut-être pas l’amélioration de la démocratie elle-même.
Les autres partis
Il ne restait que des miettes pour les partis politiques autres que le PLC, le PCC, le NPD et le Bloc. Mis ensembles, que ce soient les candidats sans appartenance politique, les Centristes, les Communistes, les Indépendants, les Libertariens, les Marxistes-Léninistes, les candidats du PAC, du Parti de l’héritage Chrétien, du Parti marijuana, du PPC, du Parti pour la protection des animaux, du parti Rhinocéros, du Parti uni du Canada ou du Parti vert, ils auront cumulé 2,4 % des votes totaux, dont 1,2 % est allé au Parti vert et 0,7 % au PCC. Que 0,5 % pour tous les autres. Mais je leur accorde tout de même une mention démocratiquement honorable.