Lors de la dernière semaine, la guerre commerciale s’est repositionnée. Trump a desserré l’étau des tarifs tous azimuts issus de sa formule magique et se concentre maintenant sur la Chine. Mais nouvelle de dernière heure : les microprocesseurs, les téléphones et les ordinateurs ont été retirés, pour l’instant, de la liste des produits chinois tarifés. Le temps que Trump réfléchisse à sa stratégie et que le Président Chinois daigne décrocher le téléphone quand le Président Américain l’appelle !
Il n’en fallait pas davantage pour que le Candidat Carney retourne d’urgence à Ottawa et redevienne le Premier ministre Carney. Les élections sont dans deux semaines et si Trump continue de piger dans son sac à hocus pocus, il est bien possible que la quasi-totalité des enjeux de la campagne électorale 2025 auront été occultés par la politique tarifaire américaine qui fait baisser les marchés boursiers, fait monter l’anxiété économique et sociale et monopolise l’actualité (ou presque). Il semble que le Canada voit de plus en plus, dans le Premier ministre Carney, celui qui aura à la fois des réponses fermes pour Trump et sera d’un calme rassurant pour les Canadiens.
Il reste les débats… Celui en français sera le mercredi 16 avril et celui en anglais, le lendemain. Les candidats seront certainement questionnés sur les tarifs américains et la gestion de Trump, mais il faut aussi espérer que les plateformes électorales et les cadres financiers des partis feront partie de la discussion.
Le débat en français ne sera pas simple à écouter, tous les candidats étant anglophones, sauf Yves-François Blanchette. Sur l’aisance dans la prestation donc : avantage Bloc. Il faudra voir si cet avantage aidera le parti à récolter davantage de sièges que ce qui est projeté actuellement. Mais après ces deux débats, Trump restera tout de même la question de l’urne.
La gestion de l’offre pourrait-elle s’inviter dans la discussion?
La gestion canadienne de l’offre pourrait prendre une certaine importance en cette fin de campagne. Espérons que le sujet sera abordé lors des débats. Pour au moins deux raisons. Premièrement, il y a deux semaines, l’administration Trump acheminait à de grandes entreprises européennes une missive les enjoignant de se conformer aux décrets exécutifs américains bannissant les programmes d’équité, de diversité et d’inclusion (ÉDI). [1]
La deuxième est que notre gestion de l’offre (lait, œufs, volaille notamment) n’est pas appréciée par l’administration Trump. Selon celle-ci, elle amène des tarifs de 250 % sur les produits américains vendus au Canada, sans donner d’explications sur la provenance de ce nombre et sur la façon dont est appliqué ce pourcentage. Selon Trump, cela constitue une concurrence déloyale envers les produits américains.
Quel est le lien entre les lettres sommant les entreprises européennes de mettre fin à leurs programmes ÉDI et la gestion de l’offre au Canada? Dans les deux cas, il s’agit de tentatives directes, de la part de l’administration Américaine, de dicter ce que devraient être les lois sur des territoires qui ne sont pas les leurs. Ce n’est quand même pas rien. Ce sont des tentatives d’interférence sur l’autonomie législative des partenaires commerciaux des États-Unis basées sur des menaces tarifaires et autres sanctions économiques à peine voilées. La position des partis politiques à cet égard mérite certainement d’être entendue.
Ça se cristallise
Depuis quelques semaines, les intentions de vote semblent se mettre en place. Les libéraux sont devant les conservateurs par cinq points de pourcentage (14-04-2025) et, malgré les quelques maladresses des deux principaux candidats, tout reste stable.
On peut peut-être commencer à réfléchir au lendemain du scrutin. Si les libéraux finissent par avoir le pouvoir pour une quatrième fois consécutive, alors qu’il y a à peine quelques mois, les conservateurs étaient en train de les terrasser, tous les partis, sauf les libéraux, en sortiront meurtris.
Les conservateurs
Le portrait politique au Canada pourrait être sérieusement remodelé. Pierre Poilievre aura des comptes à rendre et nul doute que son autorité au sein du PCC sera un peu moins efficace. Il est tout à fait envisageable que certains demandent son remplacement. Après tout, c’est comme si son équipe avait mené cinq à zéro après deux périodes de jeu et que le match se terminait par une victoire de l’équipe adverse en temps régulier.
Les néo-démocrates
Pour le NDP, même chose. À la mi-décembre, le parti affichait des intentions de vote de l’ordre de 20 %, intentions qui, aujourd’hui, ont fondues de plus de la moitié. Pour le nombre de sièges, ils en détiennent actuellement 24 et les projections ne leur en laissent qu’à peine le tiers. Le chef néo-démocrate : un autre chef à l’avenir incertain.
Le Bloc Québécois
La situation du Bloc Québécois ressemble à celle du NPD. Ils détiennent actuellement 33 sièges, tous au Québec évidemment, mais le parti ne semble pas avoir convaincu les électeurs de la pertinence de voter Bloc pour contrer Trump. Selon les projections, le Bloc pourrait perdre 13 des sièges qu’il détient actuellement. Il faut cependant admettre que dans une crise nationale où le mot d’ordre est la solidarité face à la menace, un parti qui ne peut prétendre au pouvoir part avec deux prises et demie. Alors, contrairement à la situation de Jagmeet Singh ou de Pierre Poilievre, celle de M. Blanchette est un peu plus envieuse. Sa position de chef de parti ne sera probablement pas en péril et les membres du parti comprendront que les québécois n’ont pas forcément renié le Bloc en votant libéral.
Le parti Vert
Parlons de madame May du parti Vert. Celui-ci a pris part à sa première élection en 1983, n’a réussi à faire élire une personne qu’en 2011 et n’a jamais eu plus de 3 députés à la Chambre des communes. Donc, le parti n’est toujours pas un parti reconnu officiellement.
Madame May en est à son quatrième mandat et est cheffe du parti depuis 2006, avec un hiatus d’environ deux ans en 2019. En juillet 2024, le co-chef Jonathan Pedneault quittait le parti pour des raisons personnelles et de santé, laissant madame May seule aux commandes et sans relève à ses côtés. Mais au début de 2025, M. Pedneault revient chez les Verts comme co-chef.
Pour quelles raisons revient-il et sous quelles conditions ? On peut se poser la question. Après la campagne 2025, qui ne laissera probablement pas le parti Vert dans une meilleure position qu’il ne l’est actuellement, serait-il temps de revoir la direction du parti et le rôle de M. Pedneault? Et celui de madame May? Le parti est-il rendu à une étape cruciale où un nouveau leadership pourrait l’amener à jouer un rôle moins symbolique à la Chambre des communes ?
Par province
Du côté des intentions de vote, et à l’instar des résultats pour l’ensemble du Canada, peu de mouvements significatifs, si ce n’est que le PLC a encore gagné deux points dans les intentions de vote au Québec et que le PCC regagne de l’énergie dans les provinces de l’Atlantique et en Alberta avec un redressement de trois points.
Projections de sièges
Pour l’ensemble du Canada, les projections de sièges sont centrées à 190 pour le PLC et à 124 pour le PCC selon 338Canada (14-04-2005). Peu de mouvements dans les provinces au cours de la dernière semaine, si ce n’est qu’au Québec, le parti libéral continue de grignoter des espoirs de sièges (+2) au détriment du Bloc Québécois et du PCC (-1 chacun).
Dans les provinces de l’Atlantique, le parti conservateur est, quant à lui, passé à une projection de sept sièges (+4), sièges dérobés aux libéraux (-4).
Note
Dans sa circonscription électorale – Carleton en Ontario – Pierre Poilievre aura, sur le bulletin de vote, son nom avec celui d’au moins 90 autres candidats ! [2]