Une grande étude visant à mieux connaître les caractéristiques sensorielles des champignons comestibles du Québec se déroule en ce moment dans les locaux de l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec (ITHQ), un projet mené par le GastronomiQc Lab, en collaboration avec la Filière mycologique de la Mauricie.
Le projet, nommé «Caractérisation sensorielle des champignons forestiers du Québec dans une perspective d’usage culinaire», vise à créer un outil de référence qui pourra, à terme, être utilisé par les restaurateurs, cueilleurs et grand public.
« Ce qu’on souhaite, c’est démocratiser le champignon forestier », explique Patrick Lupien, coordonnateur de la Filière mycologique de la Mauricie, qui raconte avoir approché le GastronomiQc Lab pour lui proposer cette idée en 2019. Depuis, le projet a reçu un financement des gouvernements du Canada et du Québec via le programme Innov’Action Agroalimentaire.
Véronique Perreault, codirectrice du GastronomiQc Lab et chercheure principale associée au projet, pense que l’étude pourrait permettre d’identifier des usages culinaires propres aux différentes sortes de champignons. « Son format reste à définir, mais l’outil final pourrait ressembler à la roue des flaveurs du vin ou à celle de l’érable, par exemple. L’idée est de faire une description la plus fidèle et objective possible des saveurs et des arômes afin d’aider les entreprises et les consommateurs à les utiliser », mentionne-elle.
Une grande implication des cueilleurs de la Mauricie
Les champignons étudiés ont d’abord été récoltés un peu partout sur le territoire de la Mauricie, au fur et à mesure de leur apparition, qui s’échelonne du printemps à l’automne. Ce travail a demandé aux cueilleurs de nombreux aller-retour à Montréal puisqu’ils devaient s’assurer de livrer les champignons à l’ITHQ dans un état de toute première fraicheur. De la cinquantaine de champignons comestibles présents sur le territoire, une vingtaine de champignons différents ont été réunis en quantité suffisante pour être analysés.
« Même s’ils ont été récoltés en Mauricie, on sait que ce sont des champignons qui poussent dans plusieurs régions du Québec. C’était important, car notre objectif est de créer un outil utile au niveau national », précise Patrick Lupien.
Une fois arrivés dans les locaux de l’ITHQ, les champignons frais devaient être stabilisés pour être stockés jusqu’au moment où les goûteurs seraient prêts à faire le travail de caractérisation. « On a fait des tests et la façon la plus fidèle d’en conserver toutes les caractéristiques aromatiques s’est révélée être la lyophilisation », dit Véronique Perreault. Un procédé qui a également l’avantage de préserver assez bien la texture du produit.
Les spécialistes, chefs cuisiniers, experts mycologues et cueilleurs professionnels, choisis pour leur expérience de préparation, de cuisson et de consommation du produit, ont ensuite pu faire leur travail de caractérisation et goûter les champignons, réhydratés et cuisinés. Cette étape de collecte de données est maintenant en voie d’être terminée. Leurs observations consignées seront ensuite analysées par le groupe de chercheurs.
Ces étonnants champignons
Les champignons peuvent présenter un éventail d’arômes et de goûts plutôt large. Certains sentent le concombre, l’abricot, ou même les fruits de mer, tel le célèbre champignon orange dermatose des russules, aussi appelé champignon crabe. D’autres révèlent même des saveurs sucrées.
« Il y a des champignons qui peuvent sentir le fenouil, l’amaretto, le cacao, le biscuit à l’érable. C’est ce qui fait que les usages culinaires peuvent être nombreux, c’est ce qu’on cherche à démontrer », dit Véronique Perreault.
Au dernier festival Myco Rendez-vous de la gastronomie forestière, qui se déroule chaque automne en Mauricie, une compétition sur le thème du dessert a d’ailleurs permis de démontrer toute la polyvalence des champignons en cuisine, rappelle Patrick Lupien.
« On a vu entre autres du matsutaké dans un chausson aux pommes, du bolet de Clinton dans un caramel salé, une glace au champignon lactaire de suie et bien sûr, le lactaire à odeur d’érable dans plusieurs desserts », mentionne-t-il.
L’outil de caractérisation sensorielle des champignons forestiers du Québec sera rendu public au terme de la recherche, prévue en 2024.