Daniel Landry, juin 2016

Du 9 au 14 août 2016, un Forum social mondial (FSM) se tiendra à Montréal. Il s’agira d’un événement historique, puisque c’est la première fois qu’une ville du Nord sera l’hôte d’un FSM. D’où proviennent les Forums sociaux? Dressons un portrait sommaire de leurs origines.

Par la chute du mur de Berlin (1989) et l’éclatement de l’Union

Des participants au Forum social mondial de 2007 à Nairobi au Kenya lors d’une marche solidaire.

Des participants au Forum social mondial de 2007 à Nairobi au Kenya lors d’une marche solidaire. Crédits : Raphaël Canet

soviétique (1991), c’est toute la géopolitique de la Guerre froide qui était remise en question. Des auteurs comme Francis Fukuyama clamaient haut et fort la victoire de la démocratie libérale. Le meilleur des systèmes l’avait emporté, point à la ligne…fin de l’histoire.

Pourtant, moins d’une décennie après la fin de la Guerre froide, des formes multiples de résistance émergeaient, qu’il s’agisse des autochtones du Chiapas (1994), des manifestants de Seattle (1999) ou, plus près de nous, des manifestants de Québec lors du sommet des Amériques (2001). Que souhaitaient donc ces groupes? Difficile d’identifier un message commun, vu le caractère éclaté des revendications. Mais ces formes de résistance en avaient d’abord contre la mondialisation telle qu’elle se déployait à l’amorce de ce nouveau millénaire, c’est-à-dire une mondialisation qui favorisait la dérèglementation en matière économique et la déresponsabilisation de l’État en matière sociale. Ils en avaient contre ce soi-disant « meilleur système », le capitalisme néolibéral, tel qu’il fut mis en place dans le Chili de Pinochet dès 1973, dans la Grande-Bretagne de Thatcher dès 1979, ou même aux États-Unis de Reagan dans la décennie 1980.

C’est de ce mouvement de résistance planétaire que sont issus les premiers Forums sociaux mondiaux (FSM). À l’origine, le premier FSM s’organise en réaction au Forum économique mondial (FÉM) de Davos qui, depuis 1971, réunit une élite économique composée de politiciens et de dirigeants d’entreprises. Symboliquement, le FÉM incarne la mondialisation néolibérale, tandis que les FSM représentent, non pas un mouvement anti-mondialisation (contre), mais un mouvement alter-mondialisation (autre), d’où le slogan « un autre monde est possible ». D’ailleurs, il n’est pas anecdotique de constater que c’est dans un pays du Sud qui vit d’énormes problématiques de justice sociale qu’a lieu le premier FSM, soit le Brésil. Il se déroule en janvier 2001 à Porto Alegre.

L’objectif des FSM est de créer un lieu propice à l’émergence d’une société civile forte. L’idée est également de rompre avec une vision du monde occidentalocentriste et de permettre aux populations les plus opprimées de penser des solutions de rechange sociales et politiques. De plus, les FSM s’inspirent des mouvements d’éducation populaire brésiliens qui clament l’importance de la co-construction des connaissances. Ainsi, l’horizontalité est favorisée, d’où les principes d’autogestion, l’auto-organisation d’activités et d’ateliers, ou encore, le refus de clore les forums par une déclaration unique nécessitant le consensus. Les participants deviennent eux-mêmes les organisateurs des FSM, mais la place faite au débat demeure omniprésente avant, pendant et, surtout, après les événements. Chico Whitaker, cofondateur des FSM, fait référence à un espace de débat, voire un « incubateur de nouveaux mouvements sociaux ».

Depuis le premier FSM de Porto Alegre, cette agora à la fois réelle et virtuelle s’est étendue, reproduite et multipliée. Des forums sociaux régionaux ont eu lieu dans l’ensemble du globe. Des forums thématiques ont également permis de donner la voix aux populations palestiniennes lors du Forum mondial sur l’éducation en 2010. Plus de 15 années après l’organisation du premier FSM, il s’avère plus que jamais nécessaire de maintenir ce type d’événements pour donner une voix à l’ensemble des communautés et peuples de la planète. L’exercice s’est avéré fructueux jusqu’à présent.

Historique des FSM

2001 Porto Alegre (Brésil)
2002 Porto Alegre (Brésil)
2003 Porto Alegre (Brésil)
2004 Mumbai (Inde)
2005 Porto Alegre (Brésil)
2006 Forum polycentrique (Venezuela, Mali et Pakistan)
2007 Nairobi (Kenya)
2009 Belém (Brésil)
2011 Dakar (Sénégal)
2013 Tunis (Tunisie)
2015 Tunis (Tunisie)
2016 Montréal (Canada)

Lectures pour aller plus loin :

Pierre Beaudet, Raphaël Canet et Marie-Josée Massicotte, L’altermondialisme. Forums sociaux, résistance et nouvelle culture politique, Montréal, Écosociété, 2010, 477 p.

Francis Dupuis-Déri, L’altermondialisme, Montréal, Boréal, 2009, 127 p.

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