Valérie Delage, juin 2016
Finies les contrées sauvages réservées aux mordus de plein air endurants à l’effort et aux bibittes! Les parcs naturels sont de plus en plus aménagés pour accueillir toutes sortes de gens désireux de décrocher de la vie urbaine : familles, personnes à mobilité réduite, bébés, tout est désormais conçu pour satisfaire tous les styles de promeneurs, qu’ils soient du dimanche ou plus aventuriers.
On peut bien sûr se réjouir de voir autant de gens sensibilisés à la richesse de la nature et aux bienfaits qu’elle procure. Les parcs nationaux comme provinciaux redoublent d’ailleurs de créativité pour bien informer les visiteurs sur la vie des écosystèmes qu’ils protègent : expositions interactives, causeries, panneaux d’interprétation, etc. Aucune raison de ne pas s’initier aux secrets de la vie qui nous entoure. On peut ainsi penser que cette éducation populaire massive sert à mieux préserver la nature en se disant que l’on est plus sensible à ce que l’on connait. C’est sûrement le meilleur moyen.
Toutefois, on ne peut pas s’empêcher de s’interroger sur les impacts de la fréquentation de nos parcs par des gens moins avisés de l’écologie des écosystèmes. Prenons notre parc National de la Mauricie : un bijou de milieu naturel que le monde entier nous envie! Pourtant, on y trouve certains secteurs plus accessibles où les canards vont jusqu’à nous piler sur les pieds dans l’espoir d’obtenir quelques miettes tellement ils sont habitués à se faire offrir de la nourriture. Or, nourrir les animaux sauvages, c’est modifier leur comportement naturel, qui leur permet de survivre dans un milieu souvent hostile en étant méfiants. C’est compromettre leur capacité à se débrouiller pour trouver eux-mêmes leur nourriture quand il n’y a plus personne. C’est aussi leur offrir une alimentation qui n’est pas adaptée à leurs besoins.
L’automne passé, au camping Mistagance, discutant entre amies autour d’un feu la nuit tombée après une belle journée en kayak sur l’un des joyaux du parc de la Mauricie, j’entends gigoter près de ma chaise pour m’apercevoir que ce n’est nul autre qu’un raton laveur qui espère grignoter mes restes. Après m’être éjectée de ma chaise de surprise, faisant ainsi reculer l’effronté de quelques pas, je pointe ma lampe dans le bois à la bordure du terrain pour y voir scintiller une dizaine de paires d’yeux appartenant à une brigade de ratons près à se lancer à l’assaut de notre campement!
Plus récemment, au parc provincial Frontenac, un campeur irrespectueux faisait éclater à répétition des pétards sur son terrain au beau milieu de la soirée. Ses voisins ne tardèrent pas à venir l’avertir, mais peut-on savoir le degré de stress que toute la faune autour a subi sans pouvoir s’en plaindre? Chaque détonation était suivie, dans la forêt pourtant d’ordinaire si animée de chants d’oiseaux, d’un silence de mort qui en disait long.
C’est inquiétant pour la préservation de la nature dans son état sauvage. Quelle sorte d’éducation fait-on lorsque même sur leur territoire, les animaux sont amenés à s’adapter à l’humain? Quel intérêt à venir observer la nature lorsqu’elle est domestiquée comme un animal de compagnie? Pour ma part, je ne me sens jamais plus en harmonie avec la nature que lorsque je réussis à me faire si discrète que je peux observer les animaux vivre comme si je n’étais pas là. Ce sentiment d’être en totale harmonie avec le grand tout me comble.
Cet été, visitons les parcs et tous les autres milieux naturels sans modération, ils sont source de découvertes inoubliables et de bien-être toujours renouvelé. Mais gardons bien en tête que nous partageons un territoire avec des habitants sensibles et vulnérables.
Bon été!