Photo : Anne-Sofie Bathalon

La caricature, un art aux multiples facettes, existe depuis l’Antiquité et n’a cessé de jouer un rôle clé dans la société. Comme l’explique Esry Contogouris, professeure en histoire de l’art à l’Université de Montréal, cet art visuel, bien avant l’invention de la presse, servait à éveiller les consciences tout en faisant rire. Dans cet épisode de La tête dans les nuances, nous explorons les multiples dimensions de la caricature : son histoire fascinante, son pouvoir de critique, et son rôle dans l’expression de la pensée libre. Rejoignez-nous pour découvrir comment la caricature, de Léonard de Vinci à Daumier, a toujours été un moyen d’exagérer la réalité pour révéler des vérités cachées. Ne manquez pas cette conversation passionnante avec Esry Contogouris, Jacques Goldstyn ainsi que Jocelyn Jalette, animée par Robert Aubin et plongez dans l’univers de cet art qui transcende les époques et les frontières.

L’évolution et les limites de la caricature

La caricature, bien plus qu’une simple exagération artistique, est un outil universel de communication. Selon Jocelyn Jalette, « les meilleurs portraits viennent de la maîtrise du dessin avant de savoir déformer. » Il ne s’agit donc pas uniquement d’un travail sur le visage, mais d’une mise en situation, accessible à tous, indépendamment de la langue. L’image est  alors un éditorial visuel qui, contrairement à un texte, ne nécessite pas de traduction. En effet, une caricature, souvent visuelle, percutante, permet de dénoncer des travers sociétaux ou politiques de manière instantanée et universllement compréhensible. La force de ce médium réside dans sa capacité à être consommé par un large public, tout en restant compréhensible et mémorable, souvent plus que les mots.

Les caricatures marquantes, comme celles de Stéphane Dion ou de Gilles Duceppe par Boris, créent des souvenirs durables, justement parce qu’elles exploitent des traits ou des symboles qui touchent à l’essence même des personnages publics ou des situations décrites. C’est ainsi que, dans l’histoire de l’art, des dessinateurs comme Hergé ont souvent puisé leur inspiration dans des figures réelles, s’appropriant des visages de leur temps pour nourrir leurs créations fictives. Dans ce contexte, la caricature devient un miroir sociétal, immortalisant des traits caractéristiques ou des comportements absurdes tout en dénonçant les contradictions d’une époque ou d’un moment clé dans une société. .

Les limites éthiques et stylistiques de la caricature

Le caricaturiste, comme l’humoriste, marche sur une ligne fine entre provocation et respect des sensibilités. Il doit sans cesse « repousser la limite sans la transgresser » comme le raconte Esry Contogouris. Les événements tragiques de Charlie Hebdo ont démontré les dangers inhérents à ce métier, soulevant des questions cruciales sur la liberté d’expression et l’autocensure. Certains caricaturistes admettent que, par exemple Jacques Goldstyn, l’autocensure s’impose parfois, avec des sujets qu’ils préfèrent ne pas aborder, notamment ceux touchant la religion ou certaines figures politiques sensibles. Cela montre à quel point la caricature, bien qu’elle puisse être un outil puissant de contestation, peut aussi engendrer des réactions violentes.

Cependant, malgré ces limites, les caricaturistes ne se détournent pas de leur rôle de critique sociale. Ils choisissent souvent des thèmes qui transcendent les simples événements politiques, optant pour des problématiques de société telles que la surconsommation, la technologie ou l’environnement, comme le fait Jacques Golstyn.

En somme, le caricaturiste s’approprie son style en fonction des sujets qu’il choisit de traiter, mais également selon la manière dont il souhaite être perçu, oscillant entre humour, critique acerbe et réflexion sociétale. La caricature demeure un art profondément lié à la liberté d’expression, mais qui doit constamment se réinventer pour naviguer entre créativité et éthique.

Et la bande dessinée, un simple divertissement ? 

La bande dessinée, souvent perçue comme un simple divertissement humoristique, cache souvent un deuxième niveau de lecture, similaire à la caricature. Comme l’a mentionné Robert Aubin, de nombreuses BD, tout comme les œuvres de Molière, mêlent humour et réflexion sociale. Cela permet au lecteur de rire tout en étant confronté à une critique de la société. 

Par exemple, des œuvres comme Maus de Spiegelman ou L’Arabe du futur de Riad Sattouf, combinent une approche visuelle simple et divertissante avec des réflexions profondes sur des sujets graves comme la guerre, l’identité ou la géopolitique. Ce mélange de légèreté et de gravité est une caractéristique commune entre la BD et la caricature, toutes deux utilisant des traits exagérés pour traiter des enjeux complexes.

Les expert-es du panel

Ersy Contogouris est professeure d’histoire de l’art à l’Université de Montréal, spécialisée dans l’art des XVIIIe et XIXe siècles. Ses recherches portent sur l’histoire de la caricature et de la satire graphique, qu’elle analyse à travers les théories féministes et queers. Elle s’intéresse également à la représentation des femmes dans l’art et à la performance du corps « statufié » (attitudes, tableaux vivants, etc.) depuis le XVIIIe siècle jusqu’à aujourd’hui. Elle a publié des ouvrages comme Emma Hamilton and Late Eighteenth-Century European Art et contribue activement à l’étude des pratiques performatives féministes dans l’art​.

«Moi aussi j’apprécie beaucoup le trait de crayon. Je pense que la caricature en tant que forme d’art est reconnue. […] C’est une façon de rendre la création d’humour visuel plus accessible, peut-être, à beaucoup de personnes et ça permet de la faire circuler. »

Jacques Goldstyn, alias Boris, est un caricaturiste québécois installé à Montréal. D’abord géologue, il s’est tourné vers le dessin, notamment pour le magazine Les Débrouillards. Il est connu pour ses caricatures politiques dans des publications engagées comme L’Autjournal et La Gazette de la Mauricie. Il a également publié plusieurs livres jeunesse, dont L’Arbragan et Azadah, primés au Prix du Gouverneur général.

« Je me réveille le matin avec une idée sur un sujet sur la surconsommation [par exemple] ou bien je sais pas moi on peut parler en ce moment des écrans, des ordinateurs est-ce qu’il sont trop présents chez les enfants? Il y a quelque chose à aller chercher avec ça. C’est un trait de société, et ça je trouve, que c’est beaucoup plus fertile à mon avis quand on va avec un sujet comme ça. »

Jocelyn Jalette est un bédéiste originaire de Lanaudière, reconnu pour ses œuvres historiques et sociales. Il a créé le personnage de David Gérald, un Québécois d’origine haïtienne, héros de plusieurs de ses bandes dessinées. Il est également l’auteur de La république assassinée des Patriotes, première bande dessinée à relater les révoltes de 1837-1838 au Québec. Il s’engage régulièrement dans des projets à dimension éducative, tels que  Le Québec en 215 tableaux, un livre qui présente l’histoire du Québec sous forme d’éphémérides illustrées, et des initiatives contre l’intimidation politique, notamment avec La première ministre a disparu… et Madame Baboune aussi !

« Je ne me rappelle plus qui, mais il y a quelqu’un qui disait que les meilleurs caricaturistes étaient ceux qui savaient faire les meilleurs portraits. Parce qu’il faut savoir former avant de déformer. Mais la caricature, c’est au-delà de l’aspect physique, c’est la mise en situation. »

 

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