Alex Dorval – Société – novembre 2021
Promis par le gouvernement Legault avant d’être élu en 2018, le projet de loi 39 visant la réforme du mode de scrutin actuel a été rappelé le 19 octobre dernier par la CAQ lors de la prorogation de la session parlementaire. Un soulagement pour les militants du Mouvement démocratie nouvelle qui promettent toutefois de continuer à talonner le gouvernement pour éviter la mort au feuilleton de cette réforme démocratique.
« Ils avaient l’occasion de la passer à la trappe, mais ne l’ont pas fait. Mais ils n’en ont pas non plus fait une priorité », observe Raphaël Canet, coordonnateur du Mouvement démocratie nouvelle (MDN).
Créé en 1999 sous l’initiative citoyenne et communautaire, l’organisme regroupe des citoyen.nes et organisations pour défendre le droit à une représentation démocratique juste et équitable. Plus précisément, le MDN milite pour la réforme du mode de scrutin uninominal à un tour en mode proportionnel mixte compensatoire avec listes régionales. Le projet de réforme ferait passer le nombre de sièges de circonscription de 125 à 80. Ceux-ci seraient attribués au scrutin majoritaire, alors que 45 autres sièges dits « de région » seraient attribués en fonction du nombre de votes obtenus à l’échelle de la région.
Naël Shiab, journaliste de données à Radio-Canada a calculé que la CAQ aurait perdu à peu près le tiers de ses sièges et serait minoritaire si nous avions eu un mode de scrutin mixte compensatoire avec listes régionales aux élections de 2018.
Le 9 mai 2018, le Parti québécois, Québec solidaire, la Coalition avenir Québec et le Parti vert ont co-signé une entente trans-partisane qui engageait de ces partis, dans l’éventualité d’une prise de pouvoir par l’un d’eux, à déposer un projet de loi pour l’adoption d’un scrutin proportionnel mixte compensatoire à l’Assemblée nationale d’ici le 1er octobre 2019. Mission accomplie puisque le 25 septembre, Sonia Lebel, Ministre responsable des Institutions démocratiques, de la Réforme électorale et de l’Accès à l’information déposait le Projet de loi 39, Loi établissant un nouveau mode de scrutin (PL39).
Mais les représentants du MDN déplorent que malgré le dépôt du projet de loi, l’appétit de la CAQ pour la réforme semble avoir diminué au lendemain de leur élection.
« Depuis 2019, avant même le dépôt du projet de loi, on craignait que le gouvernement trouve des façons de retarder la concrétisation de la réforme du mode de scrutin. Puis la pandémie a été une aubaine pour ça », indique M. Canet.
Au bureau de la ministre Lebel, on confirme toutefois l’intention de mener le projet à terme. « La réforme du mode de scrutin est un projet important. Nous voulons prendre le temps d’écouter les Québécois et les Québécoises. Élections Québec affirme avoir besoin d’au moins un an pour mettre en place le référendum prévu au projet de loi. Notre objectif est toujours de terminer le processus parlementaire du PL39 d’ici la fin du mandat. »
Après l’adoption de principe du PL39 début octobre, la prochaine étape serait de procéder à l’étude détaillée. « Il suffit que le ministre Jolin-Barrette, leader parlementaire, renvoie le projet de loi devant la Commission des institutions », explique M. Canet rappelant que faute d’adoption de l’étude détaillée avant la fin de l’actuel mandat, le projet de réforme subirait une « mort au feuilleton ».
Questionné à savoir si la Commission des institutions fait face à un volume exceptionnel de projets à l’étude, le bureau de la ministre Lebel a répondu :
« Le menu législatif a été grandement chargé au cours des derniers mois, principalement en raison de la pandémie. Concernant le PL39, nous évaluons si un moment plus adéquat nous permettra de poursuivre nos travaux sur ce projet de loi. Auquel cas, nous contacterons nos collaborateurs et les oppositions et nous prendrons le temps nécessaire pour obtenir le meilleur consensus. »
Un militant présent lors de la mobilisation du MDN devant le bureau de la ministre Lebel se montrait plutôt sceptique quant à la réelle volonté du gouvernement actuel. « Ils ne veulent pas porter la responsabilité de l’avoir coulé. Ça va être la faute au parti d’opposition », confie ce citoyen qui croit que le Parti libéral du Québec, opposé au PL39, pourrait s’avérer très utile à la Coalition avenir Québec qui cherchait, selon lui, à éviter « une réforme qui fait une belle promesse pour se faire élire, mais qui au final n’avantage pas les partis une fois au pouvoir ».
Bref historique
Mai 2018 – La CAQ, le PQ et QS s’engagent à réformer le mode de scrutin si l’un des partis prend le pouvoir.
Septembre 2019 – Dépôt par la ministre Lebel du PL39 visant la réforme du mode de scrutin
Décembre 2019 – Amendements sur le déroulement d’un référendum visant à sonder la volonté des Québécois.es à réformer le mode de scrutin. Ce référendum se ferait en même temps que l’élection 2022.
Février 2020 – Peu d’avancement jusqu’en octobre 2020 en raison de la pandémie de Covid-19
Octobre 2020 – Adoption de principe du PL39. Les libéraux sont contre.
Octobre 2021 – Prorogation de la session parlementaire à un an des élections provinciales. La CAQ rappelle le PL39 et confirme son intention de mener le projet à terme d’ici la fin de la session parlementaire
Juin 2022 – Fin de la session parlementaire actuelle